Les délais de recours en droit de la fonction publique

Publié le 05 janvier 2023
Les délais de recours en droit de la fonction publique expliqués par Me gérald Chalon, avocat spécialiste à reims

Tout agent public peut former un recours contre une décision qu’il estime lui faisant grief et ce, dans le délai de deux mois à partir de la notification de la publication de la décision attaquée. Ce recours obéit aux dispositions du Code de Justice Administrative et, notamment, celles des articles R 421-1 et suivants de ce Code. L’article 421-5 du CJA précise alors : « Les délais de recours contre une décision administrative ne sont opposables qu'à la condition d'avoir été mentionnés, ainsi que les voies de recours, dans la notification de la décision. »

Ces principes sont d’apparence simple. Dans la pratique, les situations rencontrées sont un tant soit peu plus complexes. Il faut d’abord composer avec les recours administratifs préalables obligatoires dont le défaut entraîne l’irrecevabilité du recours contentieux. Le fonctionnaire peut utiliser tout à la fois le recours gracieux et le recours hiérarchique. Les dispositions du Code des relations entre le public et l’administration ne s’appliquent pas aux agents publics.

Ainsi, le principe selon lequel le silence gardé par l’administration pendant deux mois vaut acceptation, ne joue pas et le silence gardé par la même administration pendant deux mois suivant la date à laquelle elle a été saisie d’un recours administratif, vaut décision de rejet.

L’administration n’a pas non plus, en ce qui concerne ses agents, l’obligation d’accuser réception d’une demande, de préciser le délai dans lequel va naître une décision implicite de rejet et les délais de recours.

Face à des décisions implicites de rejet, entourées d’aucun formalisme, s’applique alors la notion de « délai raisonnable », consacrée par la jurisprudence du Conseil d’Etat avec encore certains particularismes pour le fonctionnaire. Toute une série de jurisprudences a été initiée depuis 2016. C’est l’occasion de rappeler les principaux éléments et écueils à éviter en la matière.

Le principe : la notification de la décision comme point de départ du délai de recours

En ce qui concerne un acte administratif individuel, il doit en principe être notifié à l’intéressé ; la date de notification fait courir le délai de recours à l’égard de celui-ci. La notification peut s’effectuer par voie postale, en recommandé avec A.R., par voie électronique ou remise en mains propres. C’est la date à laquelle le courrier ou document électronique est effectivement parvenu au destinataire qui constitue la date de la notification.

Aux termes d’un arrêt du 10 mai 2017, le Conseil d’Etat a bien précisé que le refus du fonctionnaire de recevoir en mains propres notification d’une décision, était sans impact sur les délais et voie de recours.

La Haute Juridiction a ainsi précisé : « lorsque l’administration prend toutes dispositions pour notifier une décision à un agent public par une remise en mains propres par la voie hiérarchique, et que l’intéressé refuse de recevoir la décision, la notification doit être regardée comme ayant été régulièrement effectuée, sans qu’il soit nécessaire de vérifier si le document qui devait être remis en mains propres comportait la mention des voies et délais de recours ».
(Arrêt n°31-62.79)

La même solution s’impose quand le destinataire refuse d’aller retirer le pli recommandé au bureau de poste.

Le Conseil d’Etat considère ici que c’est la date de première présentation par les services de la poste qui fait courir le délai de recours.
(Conseil d’Etat 21 juillet 1970, n° 78-887)

Seule l’erreur de l’administration dans la notification des voies et délai de recours permet au fonctionnaire de ne pas être enfermé dans le délai de droit commun.
(Conseil d’Etat 17 juin 2019, n° 41.3797)

Le point de départ du délai de 2 mois concerne également la publication des actes réglementaires et des actes non réglementaires non individuels. Il en va ainsi de la publication ou de l’affichage d’un tableau d’avancement.
(Conseil d’Etat 20 mars 2019, n° 40-1774)

Le recours administratif préalable obligatoire 

Pour certains types de litiges, le fonctionnaire doit exercer un recours administratif préalable obligatoire à l’exercice d’un recours contentieux. L’absence d’exercice d’un tel recours administratif préalable obligatoire rend irrecevable le recours contentieux. Ce recours contentieux n’est pas régularisable par l’exercice du recours préalable obligatoire, en cours de procédure.

La régularisation de l’omission n’est pas possible.
(Conseil d’Etat 22 novembre 2006 n°28-9839)

Le droit de la fonction publique connaît plusieurs types de recours administratif préalable obligatoire. Il en va ainsi que tous les recours contre les décisions relatives à la situation personnelle des militaires.

Les articles L 4125-1 et R 4125-1 et suivants du Code de la Défense imposent à l’administration de statuer par décision expresse régulièrement notifiée à l’intéressé qui fait partir le délai de recours.
(Conseil d’Etat 22 mai 2019, n°42-3273)

Il en va encore ainsi pour toutes les décisions relatives au droit à une pension militaire d’Invalidité. Le recours doit être déposé dans un délai de 6 mois devant la Commission de Recours de l’Invalidité qui dispose d’un délai de 4 mois pour statuer. Ces dispositions ont été introduites par la loi du 3 juillet 2018 relative à la programmation militaire pour les années 2019 à 2025 et le décret du 28 décembre 2018 entré en vigueur à compter du 1er novembre 2019.

Enfin, il peut être rappelé que, pour toutes les contestations de validité des opérations électorales, tant les Comités techniques que les Commissions administratives paritaires, le recours administratif préalable est obligatoire.
(Conseil d’Etat 10 juin 1988, n°78-38.03)

Le recours gracieux et le recours hiérarchique

Le recours gracieux et le recours hiérarchique sont les recours administratifs que peuvent exercer les fonctionnaires et, plus généralement, tous les administrés, contre une décision prise par une autorité administrative.

Il s’agit en fait d’une demande de réexamen du dossier par l’administration qui se distingue du recours contentieux qui est formé devant le Juge administratif.

  • Le recours gracieux s’adresse à l’autorité administrative qui a pris la décision.
  • Le recours hiérarchique s’adresse à l’autorité supérieure à celle qui a pris la décision.

Il est possible de former un recours gracieux puis, un recours hiérarchique ou bien uniquement l’un des deux, avant d’ester en justice. L’administration dispose d’un délai de 2 mois pour répondre, à l’issue duquel son silence signifie qu’elle refuse. A compter de ce refus explicite ou implicite, le requérant dispose à nouveau d’un délai de 2 mois pour contester la décision initiale.

Le recours gracieux et/ou hiérarchique est un principe général de droit, en contentieux administratif.
(Conseil d’Etat 30 juin 1950 Sieur QUERALT)

Il est désormais garanti par la loi à l’article L 411-2 du Code des relations entre le public et l’administration.

Lorsqu’un recours administratif gracieux ou contentieux est exercé dans le délai de recours contentieux, il a pour effet de proroger ce délai.
(Conseil d’Etat 19 septembre 2014, n° 36-2568)

Le délai de recours contentieux est interrompu et il recommence à courir pour une nouvelle période de deux mois à compter de la date à laquelle l’administration a rejeté le recours administratif.

Si le fonctionnaire est toujours en désaccord avec la décision initiale, il lui appartient de saisir le Juge administratif dans le nouveau délai de recours contentieux ouvert par la notification de la décision prise sur l’exercice du recours administratif. Le délai de recours contentieux ne peut être prorogé qu’une seule fois par un recours administratif.

Cependant, aux termes d’un arrêt du 7 octobre 2009, le Conseil d’Etat est venu préciser que si, dans le délai de recours contentieux de 2 mois, l’administré effectue tout à la fois un recours gracieux et un recours hiérarchique, le délai initial est prorogé et ne recommence à courir que lorsque l’un et l’autre ont été rejetés.
(Requête n°32 2581)

En tout état de cause, le recours contentieux doit être dirigé contre la décision initiale et si le requérant dirige à tort ses conclusions contre la seconde de ces deux décisions, le Juge est tenu de les regarder comme étant dirigées contre la première.
(Conseil d’Etat 7 mars 2018, n°40-40.79)

La notion de « délai raisonnable »

Une décision expresse peut ne pas comporter la mention des voies et délais de recours.

Une décision implicite de rejet ne comporte pas, par définition, la mention des voies et délais de recours.

Pendant longtemps, la jurisprudence a admis que la décision concernée pouvait être contestée sans condition de délai.
(Conseil d’Etat 29 octobre 2001, n°22-17.13) (Conseil d’Etat 5 octobre 2014, n°35.9769)

Le Conseil d’Etat, faisant œuvre prétorienne, a posé le principe selon lequel toute décision expresse qui ne mentionne pas le délai de recours, peut être contestée dans un « délai raisonnable » qui doit être fixé, en règle générale, à un an à compter de la date à laquelle la décision expresse a été notifiée ou de la date à laquelle il est établi que le fonctionnaire ou l’administré en a eu connaissance.
(Conseil d’Etat 13 juillet 2016, n°38-77.63)

Il appartiendra, le cas échéant, à l’administration de rapporter la preuve que le fonctionnaire en a eu connaissance et ainsi, le point de départ de la date du « délai raisonnable ».

Cette notion de la connaissance acquise peut résulter de l’existence d’un recours gracieux, de la mention de la décision dans différents échanges entre les intéressés.

Ce « délai raisonnable » d’un an est également applicable à l’exercice du recours administratif préalable obligatoire, quand celui-ci est imposé par un texte ; la décision litigieuse peut ne pas faire mention de la mise en œuvre de ce recours préalable obligatoire.

Aux termes d’un arrêt du 31 mars 2017, le fonctionnaire dispose désormais d’un délai d’un an pour effectuer ledit recours préalable à compter de la date à laquelle il a eu connaissance de la décision initiale.
(Arrêt n°38-9842)

Le Conseil d’Etat a néanmoins maintenu la particularité d’un délai court pour la contestation des décisions implicites de rejet, en ce qui concerne les agents publics.

Gérald CHALON, avocat à Reims en droit du travail et droit public
Gérald CHALON
Avocat associé

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Points sur les délais de recours en droit administratif

La matière est tout, sauf simple malgré la limpidité apparente des dispositions réglementaires du Code de Justice Administrative.

L’article R 421-1 de ce dernier dispose : « La juridiction ne peut être saisie que par voie de recours formé contre une décision, et ce, dans les deux mois à partir de la notification ou de la publication de la décision attaquée. »