Vendredi 19 décembre 2025, une salle de la Cour d'appel de Reims a été baptisée du nom de Maître Vincent Durtette.
Ancien Bâtonnier de Châlons-en-Champagne, avocat pénaliste, associé du cabinet ACG, Maître Vincent Durtette est décédé accidentellement en 2007.
Au coté du Premier président et de la Procureure générale de la Cour d'appel, Maître Gérard Chemla lui a rendu hommage.
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En premier lieu, je veux remercier la communauté judiciaire de cette extraordinaire attention et du symbole très fort que représente cet hommage alors que la plupart des magistrats en poste aujourd’hui n’ont pas connu Vincent Durtette.
J’associe à ce remerciement son épouse Cathy et ses enfants Apolline, Solène et Benjamin qui m’ont demandé de les représenter aujourd’hui lors de cette cérémonie.
Pour ne pas trahir les propos, je les cite textuellement :
« Entre cours, éloignement et partiels et sans oublier une émotion encore très importante malgré le temps, nous ne serons donc pas parmi vous. Nous vivions avec le mari ou le papa …. ACG et surtout toi, vous serez les plus à même d’honorer l’avocat et/ou le bâtonnier. »
Je vais essayer de parler de l’homme que j’ai connu qui a certainement été la rencontre masculine humaine et professionnelle la plus heureuse et la plus triste de mon parcours.
Vincent était un colosse souriant aussi blond que j’étais brun, aussi solaire que je peux être sombre.
Le personnage qui l’a forgé est son grand père qui était le concierge du tribunal de Laon sur les bancs duquel il a usé ses pantalons d’enfant ce qui a déterminé sa carrière.
Il s’est imposé dans ma vie en janvier 1993 lorsqu’il est venu faire un stage de 6 semaines alors qu’il était élève avocat. Je lui ai dit que je l’accueillais mais que je n’aurai pas de place pour lui.
Le jour même il venait s’installer à Chalons en expliquant qu’il allait faire sa carrière à mes côtés.
Il avait raison.
Pendant 14 années, nous avons cheminé ensemble.
Depuis 18 ans il ne se passe pas une journée sans que je pense à lui, d’une façon aussi triste que joyeuse.
Il était immensément drôle, excellent juriste et d’une simplicité et d’une bonhomie qui faisait qu’il lui suffisait de passer deux heures à côté de quelqu’un pour que celui-ci se persuade qu’il était son meilleur ami.
C’était un sacré bonhomme et un grand avocat à tous les sens du terme.
En robe, à nous deux nous envahissions la barre.
Alors qu’il était le disciple, il m’a fait grandir.
Homme de son époque, ses sources d’inspiration étaient les tontons flingueurs, la guerre des étoiles et les guignols de l’info “les cons ça ose tout...” en revenant d’une audience il expliquait comment il avait éparpillé son adversaire façon puzzle.
Formidable imitateur il pouvait faire rire aux éclats sur les sujets les plus graves
Une anecdote qui vous prouvera qu’il était avocat jusqu’au bout des ongles. Un jour aux assises des Ardennes, il me propose de plaider le premier en me promettant qu’il ne dépasserait pas 20 minutes. Une heure et quart plus tard, il se rasseyait après avoir fait rire toute la salle en imitant à la barre le commissaire belge qui avait déposé.
Il avait plaidé en belge ! et les accusés ont été acquittés
La semaine précédent son décès, il plaidait à Colmar contre le tueur en série Pierre Bodein. Il me téléphonait à la sortie de l’audience pour me dire comme un enfant farceur «hé cette fois j’ai plaidé en alsacien ! ».
Avant, il m’avait dit tu vas être content, pour une fois je n’ai pas pris la voiture, je reviens en train.
Il avait 38 ans et était à l’aube de sa carrière. Il avait atteint ce point de reconnaissance qui dessinent les grands destins, reconnu à l’université, reconnu par les magistrats, élu bâtonnier de son ordre il pouvait penser tutoyer le monde.
J’espère que son exemple maintenant gravé au fronton de cette salle sera inspirant pour des générations d’avocat.
