Reconnaissance automatique des diplômes de médecin spécialiste dont le diplôme de base délivré hors Union européenne a été reconnu équivalent à un diplôme UE.

Publié le 29 juin 2023
Médecin

La question de la reconnaissance automatique en France des diplômes de médecin spécialiste est enfin devant la cour de justice de l’Union européenne (affaire C-8/23). Son éclairage est plus qu’attendu par les praticiens qui ne perçoivent pas la différence qu’on leur oppose entre leurs qualifications professionnelles et celles de leurs homologues, exclusivement acquises dans l’Union européenne.

Elle l’est en tous les cas par Mr B, ressortissant de l’UE, titulaire d’un diplôme de médecine de base obtenu dans un Etat tiers à l’UE et d’un diplôme de médecin spécialiste en anesthésie délivré en Allemagne. Le Conseil national de l’Ordre des médecins refuse en effet d’inscrire au tableau de l’ordre Mr B qui se prévaut de la reconnaissance automatique de son diplôme de médecin spécialiste, au motif qu’il ne justifie pas d’une autorisation ministérielle d’exercice.

Pour le Conseil national de l’Ordre des médecins, l’inscription directe à l’ordre suppose que le médecin européen soit titulaire à la fois du diplôme de médecine de base et du diplôme de médecin spécialiste ou médecin généraliste délivrés dans un Etat membre. Si le diplôme de base est seulement équivalent à un diplôme délivré dans l’UE parce qu’il a été délivré dans un Etat tiers, l’inscription est conditionnée à l’obtention d’une autorisation d’exercice auprès du Centre National de Gestion (CNG) après avis d’une commission d’ailleurs composée essentiellement des membres du Conseil de l’Ordre des médecins dans la spécialité considérée (Art L 4111-2 II csp).

Le Conseil d’Etat a été saisi du refus d’inscription du conseil national. Mr B soutient qu’en application de l’article 21 de la directive 2005/36/CE, les diplômes de médecin spécialiste de l’article 25 sont soumis au principe de reconnaissance automatique et inconditionnelle des diplômes délivrés dans l’UE. Ils ouvrent à leur détenteur, les mêmes droits que le diplôme correspondant français. .

Considérant que le litige soulevait une question sérieuse de droit européen, il a renvoyé à la Cour de justice de l’Union européenne, la question préjudicielle suivante :

« Un médecin, ressortissant d'un des Etats membres de l'Union européenne, qui est titulaire d'un titre de formation de médecin spécialiste délivré dans un Etat membre, visé au point 5.1.2 de l'annexe V de la directive 2005/36/CE du Parlement européen et du Conseil du 7 septembre 2005 relative à la reconnaissance des qualifications professionnelles, peut-il, avec ce seul titre, se prévaloir, dans un autre Etat membre, du régime de reconnaissance automatique des titres de formation défini à l'article 21 de cette directive, alors même qu'il est titulaire d'un titre de formation médicale de base délivré par un Etat tiers qui a seulement été reconnu par l'Etat membre dans lequel il a obtenu son diplôme de médecin spécialiste et ne figure pas parmi ceux visés au point 5.1.1 de l'annexe V de cette directive et que le point 4 de l'article 25 de la directive subordonne la délivrance d'un titre de formation de médecin spécialiste à la possession d'un de ces titres de formation de médecin avec formation de base ». (CE 27 décembre 2022 n°459585)

Si la Cour de justice de l’Union européenne suit notre argumentation, les médecins, dont le diplôme de base a été reconnu équivalent au diplôme de l’article 24 de la directive 2005/36/CE, pourront  solliciter leur inscription à l’ordre des médecins en France s’ils sont titulaires d’un diplôme de médecin spécialiste de l’article 25 de la directive ou de médecin généraliste de l’article 28 de la directive, sans qu’une autorisation d’exercice ne puisse leur être demandée.

Dans le cas contraire, une autorisation d’exercice devra être préalablement obtenue auprès du CNG, dont le délai de traitement des demandes se compte en années. En outre, le CNG continue à exiger de ces professionnels diplômés dans l’UE, qu’ils justifient d’un exercice dans la spécialité de 3 ans dans l’Etat membre qui a délivré le diplôme de médecin spécialiste, avant de déposer leur demande en France.

C’est l’occasion de rappeler (voir l’article publié le 26 avril 2022) que la Cour de justice de l’Union européenne, le Conseil d’Etat et la cour administrative d’appel de Paris jugent sur le fondement des articles 45 et 49 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE) relatifs aux libertés de circulation et d’établissement, que ni la condition d’exercice des 3 ans, ni celle de la reconnaissance du diplôme de médecin spécialiste (si le diplôme de base a été reconnu) ne sont  indispensables à l’examen comparatif des qualifications professionnelles pour la délivrance des autorisations d’exercice de la profession de médecin ou de chirurgien-dentiste en France.

Francine THOMAS, avocate à Chalons en Champagne
Francine THOMAS
Avocat associé