« Je vais enfin faire mon deuil » : 31 ans après le meurtre de Nadège Desnoix, le procès se tiendra en septembre 2025

Publié le 31 mai 2025
L'Union
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Le 22 septembre 2025, Pascal Lafolie va comparaître devant la cour d’assises de l’Aisne pour le meurtre de Nadège Desnoix, commis le 24 mai 1994 à Château-Thierry. Une libération pour la famille de la victime, écrasée depuis plusieurs décennies par le mystère entourant sa mort.

Le chemin en terre surplombant la voie express (D1) est bien connu des adolescents de Château-Thierry (Aisne). Il s’agit de la seule façon d’aller en toute sécurité du lycée technique Jules-Verne au lycée général Jean-de-La-Fontaine. Le 24 mai 1994, ce fut tout le contraire pour Nadège Desnoix. En début d’après-midi, la pétillante lycéenne de 17 ans reçoit à cet endroit sept coups de couteau au niveau du thorax et du cou.

William Desnoix, son frère cadet, âgé de 14 ans à l’époque (et de 45 ans aujourd’hui), ses parents, son petit frère et son autre sœur, ont vu leur vie basculer. Le lendemain matin, le 25 mai 1994, « vers 6 heures », se souvient William, « ce sont les cris de ma mère qui m’ont réveillé ». Les enquêteurs, accompagnés par le procureur de Soissons, Rémi Crosson du Cormier, viennent de sonner à la porte de la maison familiale de Coulonges-Cohan, à une trentaine de kilomètres de Château-Thierry. Ils annoncent la terrible nouvelle : Nadège a été retrouvée morte poignardée.

Un passant qui promenait son chien a découvert d’abord son cartable puis son corps en contrebas du sentier reliant l’avenue de Soissons et celle de Champagne. La végétation y est un peu plus dense. Le corps est partiellement enfoui. Sur la scène de crime, les enquêteurs retrouvent plusieurs objets : le cartable noir, une ceinture en cuir, une montre, un morceau de cordelette, une rose fraîchement cueillie.

Elle portait une queue-de-cheval tenue par un foulard en tissus bleu marine à pois blancs, désigné lors de l’enquête comme un « chouchou ». Un indice déterminant dans cette affaire. Le jour de la macabre découverte, les autres vêtements de la victime sont saisis et placés sous scellés.

Un torrent de chagrin emporte sa famille. « Nadège était l’aînée et quelqu’un de sociable. Une jeune fille en fin d’adolescence en train de devenir une femme. On aurait fêté ses 18 ans quelques mois après, décrit William Desnoix. Elle avait un petit ami, qui faisait à ce moment-là son service militaire. Elle le voyait régulièrement pendant ses permissions. »

L’enquête s’oriente rapidement vers ce jeune homme. Mais il dispose d’un solide alibi. Le dimanche 23 mai, il est parti vers 20 heures pour rejoindre sa caserne. Son supérieur confirme sa présence à la base d’Étain, située à 2 heures de route de Château-Thierry, le 23 mai et les jours suivants. « On se posait énormément de questions. Il y avait peu d’indices. On pensait à quelqu’un de jaloux ou qui lui en aurait voulu. Un meurtrier de passage, on n’y pensait même pas », se remémore William Desnoix.

Au fil des jours, des semaines, l’ombre du mystère grandit autour de la mort de Nadège. La douleur de la famille est profonde. « Quand vous ne savez pas, ça vous déchire le ventre. Il n’y a pas un jour où vous n’y pensez pas. », tente de décrire William Desnoix. Son avocat, maître Gérard Chemla évoque l’image « d’un mystère agissant comme un trou noir qui aspire les émotions des proches ».

Toutes les pistes sont pourtant explorées. La piste de l’agression par un exhibitionniste ; une autre lancée par le faux témoignage d’un détenu voulant bénéficier d’une remise ou encore celle de trois individus au passé violent.

Pourtant, rien n’avance. Le 11 mars 1996, la famille participe à l’émission de télévision Témoins n°1 sur TF1. « Ma maman ne s’en est pas remise. Elle a entendu beaucoup de témoignages négatifs sur Nadège ce jour-là. Elle n’a plus voulu reparler aux médias ensuite », décrit William. Les appels reçus ce soir-là évoquent des problèmes d’argent de Nadège ou de mauvaises fréquentations. Mais aucune piste sérieuse.

Une longue attente commence pour la famille de Nadège. La rage et le chagrin les tirent chaque jour un peu plus dans les ténèbres. L’hypothèse Michel Fourniret va être envisagée en 2004, mais aucune des expertises menées ne permet d’établir un lien.

À la fin de l’année 2011, de nouvelles expertises sont effectuées sur les scellés. Plusieurs empreintes masculines inconnues apparaissent et sont transmises au FNAEG (Fichier national automatisé des empreintes génétiques). Des témoins sont également réentendus et leurs empreintes génétiques comparées. Sans résultat…

Mais en août 2021, un retournement inattendu se produit. L’empreinte génétique de Pascal Lafolie est prélevée dans une affaire de violences conjugales. Il s’agit de celle retrouvée sur le « chouchou » de Nadège. Elle a été sûrement laissée lorsque son agresseur l’a attrapé par derrière lui plaçant un couteau sous la gorge. Le mobile de cette attaque surgit. Le meurtrier présumé voulait une fellation…

Depuis son arrestation, la famille a retrouvé un brin de sérénité. William Desnoix n’a aujourd’hui pas peur. « Je suis prêt pour le procès en septembre car ça fait quatre ans que j’attends de pouvoir croiser son regard. Et faire enfin mon deuil. »

Julien Assailly, pour L'Union

 

Gérard CHEMLA, avocat rémois réputé en matière pénale des victimes
Gérard CHEMLA
Avocat associé