« Les problèmes ont commencé dès mon arrivée en classe de 3e » : le harcèlement scolaire raconté par les victimes

L’association des victimes de la Marne et un cabinet rémois ont organisé un colloque sur le harcèlement scolaire pour que les persécutions en classe ne finissent plus en suicide.
« Si tu n’avais pas parlé de ta vie privée, on n’en serait pas là. » Elian Potier n’oubliera jamais cette réplique cinglante lancée par le proviseur de son lycée professionnel. Elle a marqué l’apogée du harcèlement scolaire qu’il a subi il y a 7 ans.
Le jeune homme qui préside aujourd’hui l’association Urgence harcèlement raconte son histoire dans le grand amphithéâtre du campus de Sciences Po à Reims mardi 27 mai 2025. Il est l’invité de la deuxième édition des Rencontres rémoises du droit de la victime. Elles sont consacrées au harcèlement scolaire.
Les problèmes ont commencé dès la première semaine de mon arrivée en classe de 3e dans ce lycée professionnel. Le point de départ a été une question toute bête. Des élèves m’ont demandé ce que j’avais fait durant le week-end. J’ai répondu que j’avais vu mon copain. Les insultes et les moqueries n’ont pas tardé à fuser et ne se sont jamais arrêtées. »
Présent au colloque coorganisé par l’association France Victimes 51, le cabinet d’avocats rémois ACG et la journaliste de L’union Sophie Bracquemart, le pédopsychiatre Thierry Delcourt indique quels sont les signes qui trahissent un harcèlement : un repli, un trouble de l’attention, une agitation. « Je déplore que ces signes aboutissent souvent à un test pour déceler un Trouble déficit de l’attention avec ou sans hyperactivité (TDAH). Il est connu que quand on cherche, on finit par trouver, résultat : on passe très souvent à côté du bon diagnostic. »
Ce sont les parents d’Elian qui ont décelé le mal. « Au mois de mai. Alors que le harcèlement avait commencé en septembre. Au départ, je n’avais pas réalisé. Je pensais que c’était un mauvais moment à passer, que cela s’arrangerait. J’avais tort. En mai, mes parents ont remarqué ma tristesse, noté mes maux de tête et de ventre. Ils m’ont poussé à tout raconter. »
La maman de Lucas n’a pas eu le temps de faire avouer la même chose à son fils. Il s’est pendu avant, dans sa chambre le 7 janvier 2023. « La culpabilité est là, elle me ronge. Je n’ai pas su le protéger de lui-même. Il a préféré nous protéger plutôt que de se protéger », confie-t-elle courageusement aux participants au colloque, élus municipaux, déléguée interministérielle, représentants du rectorat. Elle aussi fait partie des invités. « Il est facile de dissimuler un harcèlement. »
L’objectif du colloque est de sensibiliser tous les acteurs pour éviter les drames. Les choses avancent. « Elles n’avancent pas tant que cela », contredit l’avocat Gérard Chemla. « Il y a un discours mais peu de choses dans les faits. Je le vis à travers des familles qui demandent de l’aide parce que leur enfant est victime. Je contacte les établissements, on me répond que le nécessaire a été fait, que tout va bien. École publique ou privée, c’est pareil, ils ne veulent pas de mauvaise publicité. » La directrice de France victimes 51, Nazha Chtany, souligne que « ce colloque réunit tous les acteurs pour enfin mettre en place des dispositifs ».
Le calvaire a cessé pour Elian mais pas en mai. Aussitôt les parents au courant, le lycée est prévenu, les enseignants alertés. « J’ai terminé l’année et j’ai choisi de rester dans le lycée à la rentrée suivante. »
C’est en septembre de l’année scolaire suivante qu’il encaisse la réplique cinglante du chef d’établissement. Alors qu’il pensait la souffrance derrière lui. « J’ai tout de suite appelé mes parents pour qu’ils viennent me chercher et j’ai changé d’établissement. Normalement ce n’est pas aux victimes de partir. »
Par Catherine Frey, L'Union