Les vidéos accablantes du violeur aux somnifères
Le premier jour du procès d’Anthony Margon, accusé d’avoir drogué, violé et filmé trois jeunes femmes, a été marqué par la description accablante des vidéos sordides des crimes mais aussi les réponses « fuyantes » du mis en cause qui a reconnu les viols, sans vraiment les assumer.

Les parties civiles ont fait face à l'accusé ce lundi. Elles ont refusé le huis clos « pour que la honte change de camp.» - Dessin Sasso
Des preuves accablantes, le témoignage fort d’une victime et des arguments de défense incohérents. Anthony Margon a vécu, ce lundi 22 septembre 2025, une première journée d’audience très difficile devant la cour criminelle départementale.
Accusé d’avoir violé, drogué et filmé trois jeunes femmes, dont deux anciennes compagnes, cet opticien briennois de 40 ans a été confronté aux faits sordides qui lui sont reprochés. En particulier la description des vidéos des viols.
Quatorze vidéos
Des vidéos découvertes par hasard par Céline (*) en 2021. À l’époque, l’Auboise décide de mettre fin à la relation toxique qu’elle entretient avec Anthony depuis plusieurs années. En consultant l’ordinateur commun, elle découvre un nouveau dossier. À l’intérieur, quatorze vidéos montrant divers actes de pénétration, filmés en gros plan, pratiqués par un homme sur une femme.
Céline se reconnaît sur la plupart des images. Elle identifie également son ex-compagnon comme l’auteur des faits. Une découverte qui la sidère. Céline n’a aucun souvenir d’avoir eu ces rapports sexuels qui ne correspondent pas à ses habitudes. Et pour cause. Sur les vidéos, elle est inerte, inanimée, endormie.
Cocktails et trous noirs
Céline effectue une copie des vidéos et décide de porter plainte. La machine judiciaire se met en route. Convoquée par les enquêteurs, Sophie s’écroule quand ces derniers lui expliquent qu’elle a été violée, ce dont elle n’a aucun souvenir.

Anthony Margon face à la cour. - Dessin Sasso
Anaïs (*), une ancienne compagne d’Anthony, est également auditionnée. Si elle n’apparaît sur aucune vidéo, elle aussi comprend qu’elle a été violée.
Comme les deux autres parties civiles, elle évoque les soirées très alcoolisées chez Anthony. Les cocktails qu’il prépare seul dans la cuisine. L’état comateux, les trous noirs et les douleurs annales inexpliquées au réveil le lendemain.
Au printemps 2022, Anthony Margon est interpellé. À son domicile, les gendarmes saisissent du zolpidem, un puissant somnifère. Mis en examen, il est placé en détention provisoire durant un an. En mai 2023, il est libéré sous contrôle judiciaire à la stupeur des parties civiles. Statut qui lui permet de comparaître libre devant la cour cette semaine.
Des victimes qui ronflent
C’est donc depuis sa chaise, installée à côté de son avocate, que l’accusé a assisté à la déposition du directeur d’enquête lundi matin. L’officier de police judiciaire a évoqué, fichier par fichier, les détails sordides révélés par l’analyse des 14 vidéos filmées entre 2014 et 2021 qui correspondent à dix viols. « Ces vidéos durent deux minutes en moyenne. Le point commun de chacune d’entre elles, c’est le fait que les jeunes femmes sont endormies. Cela se voit car l’accusé prend parfois le soin de filmer leur visage et leurs yeux sont fermés. Elles ronflent. Il n’y a aucun doute sur le fait qu’elles ne sont pas en capacité de réagir, de consentir à l’acte. Ces actes sont volontaires malgré le refus des femmes ».
Des refus qui sont parfaitement perceptibles sur les images, malgré l’état dans lequel sont plongées les victimes. « Sur des vidéos, on aperçoit une main d’une victime qui remonte par réflexe pour refuser la pénétration. L’accusé utilise des objets sexuels et une seringue de gavage pour les animaux pour insérer du liquide dans l’orifice », évoque l’officier de police judiciaire. Un récit insupportable à entendre pour une des parties civiles, malgré le soutien réconfortant d’Uno, le chien d’assistance judiciaire.
Un tissu sur le visage
Certaines images montrent que les victimes ont parfois le visage et les épaules recouverts d’un tissu que les enquêteurs retrouveront au domicile d’Anthony. Comme pour éviter qu’elles soient réveillées par la lumière. Fait particulier, Anthony porte une montre connectée lors des viols. Une montre sur laquelle sont reportées les images des crimes qu’il filme avec son téléphone.
L’exploitation du son des vidéos est tout aussi accablant pour l’accusé : « Sur plusieurs vidéos, nous pouvons entendre les victimes dire “arrête”, “aïe”, comme on peut parfois parler dans son sommeil, dans un cauchemar. L’accusé répond alors : “Qu’est-ce qu’il y a chérie, t’as mal au cul ?” », détaille le directeur d’enquête.
L’officier évoque « le sentiment de toute-puissance masculine » qui se dégage de l’accusé sur les images et met en exergue les recherches effectuées sur Internet par ce dernier. Sur des sites pornographiques, Anthony a tapé en anglais les mots-clés « femmes endormies »…
Analyses de cheveux
Un élément qui fait écho aux analyses toxicologiques des cheveux de Céline qui révèlent une molécule présente dans les somnifères. « Les résultats du laboratoire sont en faveur d’une soumission chimique au zolpidem », souligne le directeur d’enquête. « Je reconnais les viols sur les trois victimes, mais pas la soumission chimique », indique Anthony, qui se cache derrière l’alcool pour expliquer ses crimes : « Le déclencheur, c’est la désinhibition liée à l’alcool. Après ça, le fantasme part. Rien n’est préparé », assure l’accusé. Le fantasme d’un acte sexuel qui, selon lui, réveillerait la femme endormie pour ensuite se poursuivre. « Sauf qu’aucune des femmes ne se réveille jamais », assène Maitre Margaux Dédina, conseil de Sophie.
« Pas la Belle au bois dormant »
« Ce que vous décrivez, c’est une Belle au bois dormant. En vérité, on en est loin », dénonce la présidente qui met l’accusé sur le gril. « Si, dans votre sommeil, votre compagne vous insérait des objets pour voir si cela rentre bien, vous estimeriez qu’elle vous respecte ? », poursuit la juge, visiblement contrariée par les « explications fuyantes » d’Anthony.
« Je n’avais pas l’impression de leur faire de mal à l’époque. Aujourd’hui, avec le recul, je comprends que c’était le cas. Je suis sincèrement désolé », concède l’opticien. « Vous saviez que vous lui faisiez du mal, vous mentez ! Sinon, vous auriez dit la vérité à ma cliente quand elle vous a fait part de ses doutes », clame Maitre Anne-Sophie Wagnon-Horiot, conseil de Céline qui a livré un témoignage fort hier, mettant en avant l’emprise de l’accusé sur sa vie durant leur relation.
Trois jours pour avancer
« Vos explications ne sont pas crédibles. Il n’y a rien de spontané. La seringue, les objets, la caméra. Il y a un degré de préparation phénoménal pour quelqu’un qui dit agir sous alcool », assène Cyril Vicente, avocat général. « Vous avez toujours la même position que devant le juge d’instruction. Malgré le travail mis en place avec un psychologue, vous n’avez pas avancé ces trois dernières années », regrette la présidente.
Les trois prochains jours d’audience permettront-ils d’assister à un pas en avant ?
(*) Les prénoms des victimes ont été modifiés.