Meurtre de Cumières : le train de vie dispendieux du fils sur le gril
Pour la seconde journée du procès de Yann Vadin, qui a reconnu le meurtre de son père Jean-Luc le 30 septembre 2022, l’ex-compagne et la mère de l’accusé ont été interrogées longuement sur ses difficultés financières.
Son témoignage était attendu. Justine G. est la femme, en instance de divorce, de Yann Vadin. Cette passionnée de chevaux, rencontrée en Australie, a été citée à de nombreuses reprises durant le procès pour le grand train de vie qu’elle menait avec l’accusé, dans une maison cossue qu’ils ont fait construire à Arcis-le-Ponsart, avec écuries pour quatre chevaux avec un prêt de 500 000 euros.
À la barre, elle assure n’avoir rien vu venir à propos du meurtre même si elle confirme que Yann Vadin lui avait confié vouloir changer de travail, épuisé. Celle qui dit « vivre un enfer » depuis le drame, renforcé ensuite par le refus de Yann Vadin de la voir en prison depuis janvier 2024 et d’avancer sur la question du divorce, a été interrogée par la présidente Catherine Hologne sur cette vie qui semble bien au-delà des moyens du couple, d’autant qu’elle était persuadée de gagner autant que M. Vadin : 3200 euros (il lui aurait caché gagné en réalité 5200 euros par mois). Elle reste évasive. « Il avait ses comptes, sur lesquels je n’avais aucune visibilité. Je savais qu’il avait une part dans la société familiale. Notre contrat de mariage stipulait d’ailleurs que je n’avais rien à voir avec. Je ne voulais pas. »
C’est l’avocate générale qui sonne la charge. Elle sort des SMS révélateurs échangés avec Yann Vadin : « Le 21 septembre 2022. Vous parlez d’un tapis pour les chevaux. » Yann Vadin suggère d’utiliser l’argent des comptes de la société pour le payer. « Oui, mais il faut garder des sous pour la société mdr », écrit-elle. Il répond : « Faut que je vois si je peux bidouiller pour faire passer la facture. » Étonnement dans la salle. L’avocate générale tonne : « Madame vous n’êtes pas née de la dernière pluie, vous vous doutez bien que votre train de vie est payé par la société ! »
L’interrogatoire d’Elodie P., qui gérait les comptes de la société Vadin-Plateau et des co-gérants laisse d’ailleurs voir une litanie de messages d’alertes sur les comptes débiteurs de Yann Vadin, dans le rouge très régulièrement. Jean-Luc Vadin a d’ailleurs fait un prêt de 100 000 euros à son fils sur l’exercice 2021. Il mourra avant d’être remboursé.
« Quand un client met son argent du compte de la société vers son compte personnel, c’est quoi ? », demande Serhat Akkus, avocat de la société Vadin-Plateau. « C’est un abus de bien sociaux », répond Elodie P. Yann Vadin est poursuivi pour abus de confiance dans cette affaire.
Vint enfin Muriel Robinet, la mère de Yann Vadin. À la barre, elle s’attarde d’abord sur comment elle a repris la société avec sa fille. La présidente du tribunal lui demande si son fils a pris dans la caisse. Dans l’enquête, il a été révélé que 500 000 euros ont transité depuis les comptes de la société vers les siens entre le 1er novembre 2020 et le jour du meurtre. « Oui, répond la mère. Il a acheté un cheval, payé des artisans pour la maison, des vacances, des restaurants. Il doit rembourser. » Elle estime qu’il lui doit 173 000 euros, déduction faite de son salaire, sans compter les 100 000 euros prêtés par le père avant son décès. Gérard Chemla, l’avocat des parties civiles, estime, lui, que le « trop-perçu équivaut à 305 000 euros » avec le prêt.
La présidente Hologne lui demande si ces dettes pourraient justifier son passage à l’acte. « Non, pas pour moi. Il aurait pu venir me voir. Mais il ne voulait pas sonner à ma porte pour réclamer de l’argent », glisse Muriel Robinet. Visiblement aux abois, il a tenté de demander un prêt à la banque CIC peu avant le meurtre « avec la promesse d’un salaire passant de 5200 à 7200 euros, sans accord connu de la part du père et avec une signature hautement suspecte » sur un document censé prouver cette augmentation. La présidente montre au tribunal côte à côte ce document avec un autre comportant la signature authentifiée de M. Vadin. Elles sont différentes. « On s’aperçoit que la première est une signature… maladroite », euphémise la juge.
La mère ne sait pas si c’est un faux mais concède « qu’il a trop prélevé. Il voulait faire plaisir à sa femme. » Gérard Chemla s’agace : « C’est pas de sa faute ? C’est la faute de Jean-Luc s’il se fait tuer, de Justine s’il dépense trop argent, la faute du comptable, du banquier. La faute à lui, c’est quand ? » « Le passage à l’acte. Il a pété un plomb », répond du tac au tac la mère.
De Yann Vadin, on n’aura guère de commentaire. Le seul moment de la journée où il s’est exprimé, c’est après le bref témoignage de sa grand-mère de 90 ans. Son avocate, Naïra Zadourian, a demandé une suspension d’audience. Il reviendra dix minutes plus tard, un papier en main, qu’il lit, en pleurant, pour « m’excuser auprès de ma grand-mère, de ma mère et des quelques personnes venues nous soutenir. Je m’excuse de nous retrouver dans des conditions pareilles, ça n’aurait jamais dû arriver et je le regrette. »
La présidente du tribunal a tiqué. « Vos excuses sont un peu clivantes. Vous vous excusez auprès de votre mère et votre grand-mère. Mais il y a tout un banc avec le reste de votre famille [notamment les parents de Jean-Luc Vadin] en deuil qui est concerné, vous n’avez rien pour ces gens-là ? » Les larmes de Yann Vadin ne coulent plus. Il répond d’un ton mécanique. « Par respect pour mon père, je leur dois aussi des excuses, bien sûr. »
Maxime Mascoli pour L'Union