Pauline Manesse-Chemla - Avocate à Reims - "J'avais besoin de me prouver que j'étais capable d'être avocate pénaliste"

Publié le 08 avril 2025
France Inter
Elle se rêvait avocate, elle fut l'une de celles qui défendit des parties civiles au procès de l'attentat de Nice en 2016.

Il y eut les rêves d'ados, la première plaidoirie, le premier dossier. Il y eut des mentors, des guides. Pauline Manesse-Chemla, c'est un tout. Elle ne vous dira pas que c'est à prendre ou à laisser, mais elle choisira ses mots pour vous dire qui elle est avec cette phrase en exergue : "Je n'ai jamais eu peur de déplaire." Déplaire à qui, à quoi ? Peut-être une profession où les femmes pénalistes ont eu du mal à exister. "Être avocate" dit-elle, "c'est apprendre à gérer ses émotions. Mais finalement, on n'a peur de rien."

Pourtant, il en faut de la distance pour affronter le pire de l'humanité. Un oncle violeur qu'on défend, des victimes du terrorisme qu'on accompagne (Pauline Manesse-Chemla fut l'une des avocates de parties civiles au procès de l'attentat de Nice en 2016), ce ne sont pas des dossiers qu'on empile. Ce sont des gens. Elle défend tout le monde, sauf quand il s'agit de terrorisme. "Je défends les victimes et que les victimes."

Comme une addiction

Elle reconnaît une profession dévorante, une passion qui l'anime depuis l'adolescence quand elle découvre le combat des époux Klarsfeld. Il fallait qu'elle en soit. Qu'elle soit de cette famille là : les pénalistes. De ceux qui plaident. On lui dit que la plaidoirie, c'est l'ultime quand on est avocat. Elle répond que non. Elle, souffre aux premiers mots. "Ce qui m'importe c'est mon client." Avocat, une vocation, chez Pauline Manesse-Chemla, ça va de soi. Le jour où elle a porté pour la première fois sa robe, c'est surtout le poids des responsabilités qu'elle y a vu. Depuis, elle affirme que cette robe noire la protège. Mais avant d'obtenir ses galons, elle a vu passer les remarques. "Tu n'as pas assez souffert. Il faut avoir été écorché pour être pénaliste." Elle, répond qu'elle a eu une enfance heureuse, avec des parents aimants, mais que cela ne l'a pas empêchée de s'intéresser au gens.

Est-elle pour autant la pénaliste dont elle a rêvé ? Pas encore. "A 41 ans, j'arrive au stade de la transmission. Donner envie aux autres d'épouser la profession." Elle donne des permanences gratuites sur rendez-vous, à la maison des femmes de Reims, pour toutes celles qui souffrent de violence. "S'indigner c'est bien, mais j'avais besoin de concret, de m'impliquer." Chez Pauline, les heures ne comptent pas. Elle reconnaît d'ailleurs une forme d'addiction (même si elle n'aime pas le mot). Au procès de l'attentat de Nice, elle était là tous les jours. "J'avais peur de louper quelque chose. Et puis vous vivez quelque chose d'intense." Quand sonne le verdict, c'est le retour à la maison. Repartir à zéro, nouveau dossier, sans toutefois, jamais couper totalement les liens. "J'essaie de rester en contact avec mes clients." Heureusement, les enfants sont là, les amies. Ils sont l'ancrage dans le monde, le quotidien. On tente une dernière question, comme un rituel pour cette chronique. Est-elle fière de ce qu'elle est devenue ? "Oui." Et elle avance : "j'avais besoin de prouver que j'étais capable de le faire."

Laetitia Gayet

Pauline MANESSE-CHEMLA, avocate pour les victimes
Pauline MANESSE-CHEMLA
Avocat associé