Reims : après des révélations d’abus sexuels, le combat d’un père pour protéger sa fille de 6 ans

Publié le 26 juillet 2025
L'Union
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Sa petite fille de 6 ans s’est confiée il y a trois mois, racontant avec ses mots les agressions sexuelles voire les viols qu’elle aurait subis et mettant en cause son beau-père et sa mère. Son père a déposé plainte et se désespère de voir le dossier au point mort.

Tous les prénoms ont été modifiés. Parce que le sujet est sensible et aussi parce qu’au moment où nous écrivons ces lignes, personne n’a encore été mis en examen. Deux gardes à vue ont bien eu lieu, « elles ont été levées sur ma décision pour poursuite des investigations, sans mesure de sûreté », fait savoir Laureydane Ortuno, procureure de la République de Soissons en charge du dossier. Elle ajoute que « cette enquête, complexe car incluant des plaintes croisées, nécessite un temps certain qui, je le conçois parfaitement, paraît légitimement excessif aux parties concernées ».

C’est d’ailleurs ce qui a incité Romain à nous raconter ce qu’il vit depuis le 16 avril dernier. Séparé de la mère de ses deux filles, il a refait sa vie près de Reims, et elle aussi, près de Château-Thierry. Ils ont fait le choix de la garde alternée. « Un soir, Julie a demandé à ma compagne si elle prenait des « bains d’amoureux » avec moi. » « Sur le coup, je n’ai pas compris, se souvient la belle-mère de la petite fille, âgée de 6 ans. J’ai cherché à en savoir plus, elle m’a répondu qu’elle, était obligée d’en prendre avec Marc, son beau-père. Qu’il était nu, elle aussi ou bien en maillot de bain, qu’il l’embrassait sur la bouche et qu’elle n’aimait pas ça. Qu’il frottait son sexe sur son corps. »

Il existe une certaine complaisance envers un potentat local
Maître Sébastien Busy, avocat du père de famille

Dès le lendemain, Romain dépose plainte à la gendarmerie de Fismes. « Plus les jours passaient, plus ma fille se confiait et décrivait, avec ses mots, des pratiques sexuelles qu’elle ne peut pas avoir inventées à son âge », est-il persuadé. Elle fera le même récit, avec force détails, lors de son audition en salle Mélanie. Son père découvre aussi, horrifié, que non seulement la mère de Julie serait au courant mais qu’en plus, il lui arriverait aussi de participer. L’enfant affirme que cette dernière lui dit souvent qu’elle « a de la chance et qu’elle devrait être contente parce qu’elle aussi, aimerait bien que Marc fasse pareil avec elle ».

Le vendredi qui a suivi ces révélations, Romain n’avait qu’une idée en tête : protéger sa petite fille. Il décide de ne pas remettre ses enfants à leur mère et en informe les forces de l’ordre. « Cela n’empêche pas l’infraction, indique son avocat Maître Sébastien Busy, mais il y a un sursis à statuer en l’attente du résultat de l’enquête concernant les faits de nature sexuelle. » Tenant compte de cette dénonciation, le juge aux affaires familiales (JAF) a fixé le domicile des fillettes au domicile de leur père et a préconisé des visites de leur mère en lieu neutre, qui n’ont à ce jour pas eu lieu.

La mère de Julie et son beau-père ont été placés en garde à vue un mois et demi après le dépôt de plainte de Romain. « La suite logique aurait été un déferrement avec l’ouverture d’une information judiciaire et la mise en place de mesures de contrainte. Rien de tout cela n’a été fait : ils sont libres comme l’air. Or, si ce qu’a dit cette petite fille ne tenait pas la route, le dossier aurait été classé sans suite, ce n’est pas le cas. Si cet homme avait été un justiciable lamba, il y aurait eu un déferrement mais il existe une certaine complaisance envers un potentat local », assume de dire Maître Sébastien Busy qui étudie désormais toutes les possibilités que lui offre la procédure pénale afin d’avoir accès au dossier et pour savoir ce que les deux mis en cause ont déclaré. « Je ne peux que supposer qu’ils ont nié, mais encore ? »

Romain ronge son frein. « Je ne peux rien faire, cela se retournerait contre moi », a-t-il bien conscience tandis que son avocat espère « une réaction judiciaire rapide, avec la reprise des gardes à vue et des mesures claires de protection des enfants car si le JAF n’était pas intervenu, elles iraient toujours chez leur mère. Je veux que leur père n’ait pas cette sensation, comme l’écrivait un célèbre fabuliste, que « selon que vous serez puissant ou misérable, les jugements de cour vous rendront blanc ou noir ». Nous répondre qu’il y a une « poursuite d’enquête », ça veut tout et rien dire », s’emporte Maître Sébastien Busy. « Les investigations en cours et la nature de l’affaire ne me permettent pas de donner plus de détails. Je suis néanmoins en lien avec le parquet de Reims et le juge des enfants saisi du dossier », indique pour sa part la procureure de Soissons.

Par Lucie Lefebvre, L'Union

 

Sébastien BUSY, avocat pénaliste à reims. Il intervient en droit pénal, crash aérien, permis de conduire
Sébastien BUSY
Avocat associé