Soupçonné d'avoir violé et drogué deux de ses jeunes patients, le dentiste demande à être remis en liberté et reste en prison

Publié le 03 juillet 2025
France 3 Grand Est
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En détention provisoire depuis février 2025, mis en examen pour "viol sur mineur" et "soumission chimique", ce dentiste établi à Fismes (Marne) a demandé, ce jeudi 3 juillet, sa remise en liberté sous contrôle judiciaire. Les juges ont décidé de le maintenir derrière les barreaux.

Le cheveu absent, la silhouette mince, le regard attentif derrière de petites lunettes, Nicolas Bruy entre dans le box de la cour d'appel de Reims (Marne), jeudi 3 juillet 2025. Né à Lille en 1978, cet homme exerçait comme dentiste à Fismes, petite commune du nord-ouest de Reims, jusqu'à être placé en détention provisoire, le 26 février. Quatre mois plus tard, le voilà venu demander sa remise en liberté sous contrôle judiciaire devant les magistrats de la chambre de l'instruction.

Les très lourdes accusations qui pèsent sur ses frêles épaules, ainsi que son mode opératoire présumé, avaient constitué une déflagration dans le paysage local, lorsqu'elles avaient été révélées, l'hiver dernier. Ce praticien, diplômé en 2007 et établi depuis une quinzaine d'années à Fismes, est accusé d'avoir, à cinq mois d'intervalle, violé deux de ses jeunes patients, préalablement drogués, dans l'intimité de son cabinet dentaire de la rue Chaudru, placé sous scellés depuis le 14 février.

Le 17 octobre 2024, un garçon de 11 ans raconte sa mère avoir été violé en consultation par son dentiste, établi à Fismes (Marne). Elle dépose plainte. Placé en garde à vue, le praticien marnais conteste les faits et est remis en liberté sans interdiction d'exercer. Une information judiciaire est ouverte.

Le 13 février 2025, une enfant raconte à son tour avoir été violée par le même homme, cette fois mis en examen pour "viol sur mineur", "agression sexuelle sur mineur" et "soumission chimique". À l’issue de sa nouvelle garde à vue, ce dentiste est placé en détention provisoire.

En préambule de l'audience, le rapporteur rappelle les principaux éléments recueillis par l'accusation et évoque des "aveux a minima". Nicolas Bruy était donc un dentiste capable d'inviter la plaignante au Mc Donald de Soissons (Aisne), "sans doute car c'est bon pour l'hygiène dentaire", grince le magistrat, de mettre des doigts dans le vagin d'une des plaignantes et de lui dire que "c'était leur petit secret", de demander à l'autre plaignant d'enlever son tee-shirt pour lui masser le dos, la poitrine - liste non exhaustive.

Des "lésions" très spécifiques ont été relevées, "compatibles" avec des viols subis. Après avoir d'abord contesté les faits reprochés, la confrontation avec ces éléments scientifiques ou issus des perquisitions a peu à peu poussé Nicolas Bruy à reconnaître des agressions sexuelles. Mais il conteste les viols et la soumission chimique. En outre, il a également reconnu une dépendance à l'alcool. Radié de l'ordre des chirurgiens-dentistes, il n'a, à ce jour, jamais été condamné.

Venue défendre le placement sous contrôle judiciaire de son client, son avocate, Cindye Bricout, évoque la détention "très éprouvante" de Nicolas Bruy, incarcéré à Châlons-en-Champagne. "Il a le statut de pointeur, je n'ai pas besoin d'en dire plus", soupire l'avocate d'un regard entendu. Ce quadragénaire, souffrant d'une forme sévère de diabète, a perdu "18 kilos en quatre mois", prend-elle le temps de rappeler. "Il est incarcéré depuis quatre jours quand il reconnaît les faits devant le juge, il est en larmes, il dit qu'il a honte, il écrit à son épouse une lettre vertigineuse, il a entrepris des soins...", tonne-t-elle.

Maître Pauline Manesse, l'avocate de la seconde plaignante évoque pour sa part des "faits épouvantables" et lit le propos glaçant du mis en cause, tenu lors d'une audition organisée début juin : "Je me suis laissé faire". Et l'avocate de s'adresser directement à lui : "Mais vous vous êtes laissée faire de quoi, Monsieur ? Son avocate vous parle de faits reconnus, mais quand on lit ça, on peut en douter !" Camille Romdane, l'avocat du premier plaignant, évoque un enfant "complètement shooté" le 17 octobre 2024, à l'issue du rendez-vous chez ce praticien où les gendarmes retrouveront notamment des préservatifs et du lubrifiant. Le retour des expertises psychologiques, psychiatriques, ainsi que des analyses numériques est attendu au cours des prochains mois.

Sans surprise, l'avocat général requit le maintien en détention de Nicolas Bruy qui, en guise d'épilogue de l'audience, s'élança dans un long monologue : "Dès le début de ma détention, j'ai reconnu ma culpabilité, je l'ai compris. J'ai compris que je serai jugé, je l'accepte (...) Le fait que les deux enfants en ont parlé le soir même à leurs parents est la preuve qu'il n'y a pas eu de soumission chimique (...) En détention, j'ai fait l'objet de menaces de mort. AUjourd'hui, mes conditions de détention portent atteinte à ma santé mentale, physique. J'ai toujours coopéré avec les autorités judiciaires (...) Chaque jour que je passe à a maison d'arrêt diminue les chances que je sois confronté à un procès."

Peu après 15 heures, ce 3 juillet, les magistrats de la cour d'appel décidaient de le maintenir en détention provisoire.

Mathieu Livoreil, pour France 3 Grand Est 

Pauline MANESSE-CHEMLA, avocate pour les victimes
Pauline MANESSE-CHEMLA
Avocat associé