"Vous êtes la lumière, il retournera aux ténèbres"

Il est 18 h 30, mercredi soir, dans la grande salle du tribunal de Troyes. À l’issue d’une nouvelle journée d’audience éprouvante, Anaïs*, Sophie* et Céline*, les trois victimes d’Anthony Margon, s’enlacent chaleureusement, les yeux rougis.

Maitre Margaux Dedina et Maitre Anne-Sophie Wagnon-Horiot, avocates des victimes d'Anthony Margon - Dessin Sasso

Une image forte et symbolique. Celle de femmes unies dans l’adversité qui, depuis l’ouverture du procès, regardent leur bourreau les yeux dans les yeux, à visage découvert, refusant tout huis clos. Parce que ce n’est pas à elles d’avoir honte mais à leur violeur : « Vous faites bouger les lignes. Vous n’avez pas sollicité le huis clos parce qu’il faut que la société regarde les choses en face. Vous n’acceptez pas d’être des victimes discrètes », plaide Me Margaux Dédina, conseil de Sophie.

« Vous êtes une reine »
Dans un procès, « noir comme rarement, même pour nous qui sommes habituées », l’avocate troyenne a voulu retenir la lumière renvoyée par les parties civiles. « La première chose que je veux vous dire, c’est merci. Je ne suis pas certaine que les gens réalisent ce que cela vous a coûté d’être ici, de mener ce combat. Merci aussi aux hommes (le compagnon d’Anaïs et l’ex-compagnon de Sophie) qui ont témoigné. Merci d’avoir montré cette humanité, montré que des hommes peuvent être non violents et non violeurs. Je crois en eux et en la justice. »

« Vous n’êtes pas juste une victime, vous êtes une combattante, vous êtes une reine »
Maitre Dédina
L’avocate s’est ensuite directement adressée à sa cliente : « Je sais que vous aviez peur d’être ici, de passer pour une victime aux yeux du monde, mais aussi peur de ne pas vous retenir d’aller lui péter les genoux. Vous avez fait preuve d’une incroyable dignité. Vous vous pensez faible et fragile mais vous êtes l’opposé. Vous avez rencontré le mal absolu. Ce qu’il vous a fait est dévastateur mais il ne vous a pas détruite. Vous avez résisté. Vous êtes là avec votre gang de copines, et vous n’êtes pas juste une victime, vous êtes une combattante, vous êtes une reine. »

« Merci »
Sa consœur, Maitre Anne-Sophie Wagnon-Horiot, n’a pas d’autres mots au moment de plaider devant ses clientes, Céline et Anaïs : « Merci. Vous m’avez fait grandir en tant qu’avocate. Je mesure la chance de vous avoir rencontrées ».

Ému, le conseil salue « l’héroïsme » de Céline, l’ancienne compagne d’Anthony Margon qui a découvert les vidéos des viols, les a copiées sur une clé USB, a trouvé le courage de porter plainte, de raconter et revivre son récit « une fois, deux fois, trois fois, quatre fois » devant les divers enquêteurs et psychologues. Le courage aussi de regarder les images abjectes des crimes sur laquelle figurait aussi sa copine Sophie. « Céline, vous avez fait ce qu’il fallait. Vous n’êtes responsable de rien. »

« Vous avez trouvé la force de revenir de tellement loin »
Maitre Wagnon-Horiot
L’avocate s’adresse alors à Anaïs : « Vous avez trouvé la force de revenir de tellement loin. Vous avez vécu huit ans en imaginant ce qu’il avait pu vous faire avant de comprendre que vous n’étiez pas folle comme il avait voulu vous le faire croire. »

Verdict ce jeudi
« Il », c’est Anthony Margon. « Un homme dangereux » assène Me Anne-Sophie Wagnon-Horiot, qui appelle la cour « à le juger à la hauteur de ce que nous avons tous senti et vu de lui. À la hauteur des conséquences sur les victimes, leurs années de travail, de souffrance, de reconstruction ».

Et Me Margaux Dédina de conclure : « Vous êtes la lumière, il retournera aux ténèbres. » Durant combien d’années ? Verdict ce jeudi après-midi.

*Les prénoms des victimes ont été modifiés.