La matière est tout, sauf simple malgré la limpidité apparente des dispositions réglementaires du Code de Justice Administrative.
Un petit point de synthèse s’impose… Explications de Me Gérald CHALON, avocat spécialiste en droit public à Reims

La matière est tout, sauf simple malgré la limpidité apparente des dispositions réglementaires du Code de Justice Administrative.

L’article R 421-1 de ce dernier dispose : « La juridiction ne peut être saisie que par voie de recours formé contre une décision, et ce, dans les deux mois à partir de la notification ou de la publication de la décision attaquée. »

L’article R 421-1 précise, quant à lui : « Sauf disposition législative ou réglementaire contraire, dans les cas où le silence gardé par l'autorité administrative sur une demande vaut décision de rejet, l'intéressé dispose, pour former un recours, d'un délai de deux mois à compter de la date à laquelle est née une décision implicite de rejet. Toutefois, lorsqu'une décision explicite de rejet intervient avant l'expiration de cette période, elle fait à nouveau courir le délai de recours. »

Enfin, l’article R 421-5 rappelle que : « Les délais de recours contre une décision administrative ne sont opposables qu'à la condition d'avoir été mentionnés, ainsi que les voies de recours, dans la notification de la décision. »

La difficulté est principalement venue pour des décisions expresses qui ne mentionnent aucun délai de recours ou encore les décisions implicites de rejet qui, par définition, n’en mentionnent également aucun.

La jurisprudence du Conseil d’Etat est venue, à cet égard, poser la notion de « délai raisonnable », enfermé dans des conditions bien précises pour pouvoir saisir le Juge administratif.

Le Conseil d’Etat a également précisé les règles applicables en matière de plein contentieux pour les recours contre les décisions implicites de rejet et également pour les cas de plein contentieux où une décision expresse notifiée par l’administration est un préalable légal obligatoire.

Plus encore, le Conseil d’Etat a également rappelé l’autonomie de ces dispositions par rapport à la prescription quadriennale pour tout recours indemnitaire et les dispositions applicables au recours des agents publics dans la mesure où, pour ces derniers, les dispositions du Code des relations entre le public et l’administration ne leur étaient pas applicables.

Un petit point de synthèse s’impose…

Point de départ et décompte du délai de recours

Tout acte individuel doit, en principe, être notifié à l’intéressé.

La date de notification fait courir le délai de recours à l’égard de celui-ci.

La notification peut s’effectuer par voie postale, en recommandé avec A.R., par remise en mains propres et par voie électronique.

C’est la date à laquelle l’acte individuel est effectivement parvenu au destinataire qui constitue la date de notification.

Lorsque le destinataire refuse d’aller retirer le pli au bureau de poste, c’est la date de première présentation par les services de la poste qui fait courir le délai de recours.
(Conseil d’Etat 21 juillet 1970, n°78.887)

Dans le même sens, l’agent public qui refuse de recevoir en mains propres une décision ne peut pas, ensuite, invoquer l’absence de notification des voies et délai de recours.
(Conseil d’Etat 8 mai 2017 n° 39.6379)

En ce qui concerne les actes réglementaires, le point de départ du délai de recours est situé à la date de publication dudit acte.
(Conseil d’Etat 20 mars 2019 n° 40.1774)

Tout recours gracieux effectué à l’intérieur du délai de recours de deux mois interrompt ce délai.

L’administration dispose d’un nouveau délai de 2 mois pour répondre, soit de façon expresse, soit de façon implicite.

A compter de ce refus explicite ou implicite, le requérant dispose à nouveau d’un délai de 2 mois pour contester la décision initiale.

L’article L 411-2 du Code des relations entre le public et l’administration rappelle que : « Toute décision administrative peut faire l'objet, dans le délai imparti pour l'introduction d'un recours contentieux, d'un recours gracieux ou hiérarchique qui interrompt le cours de ce délai. »

En revanche, l’exercice d’un second recours administratif à la suite du rejet d’un premier recours purement administratif, n’a pas pour effet de proroger le délai de contentieux une nouvelle fois.

La problématique de l’absence de mention des délais de recours

Le Conseil d’Etat, aux termes d’un arrêt du 13 juillet 2016, a posé la notion de « délai raisonnable » de saisine d’une juridiction administrative, même en l’absence d’une décision expresse notifiée à l’intéressé, rappelant les délais de recours.

Ce délai raisonnable a été fixé à un an, lequel court à compter soit de la notification et à défaut de notification, soit à compter de la connaissance de l’intéressé de ladite décision.

Le Conseil d’Etat, faisant œuvre prétorienne, a jugé que :

« En règle générale et sauf circonstances particulières dont se prévaudrait le requérant, ce délai ne saurait, sous réserves de l’exercice de recours administratifs pour lesquels les textes prévoient des délais particuliers, excéder un an à compter de la date à laquelle une décision expresse lui a été notifiée ou de la date à laquelle il est établi qu’il en a eu connaissance ».
(Arrêt n°3877.63, CZABAJ)

Le même principe issu de cette dernière jurisprudence CZABAJ s’applique également aux recours contre les actes non réglementaires qui ne présentent pas le caractère d’une décision individuelle et pour lesquels la notification déclenche le délai de recours.
(Conseil d’Etat 25 décembre 2000
Sté LA CHAUMIERE et Mme A. Requête n°43 0945)

Le Conseil d’Etat a étendu cette exigence :

  • au recours administratif préalable obligatoire qui, lorsque l’Administration a omis d’indiquer au requérant cette formalité en lui notifiant la décision individuelle initiale, doit être exercé dans un délai raisonnable à compter de la date à laquelle il est établi que celui-ci en a eu connaissance ;
    (Conseil d’Etat 31 mars 2017 Ministre de Finances c/Mr AMAR n° 389842)
  • aux décisions expresses dont l’objet est purement pécunier ;
    (Conseil d’Etat 9 mars 2018 communauté de communes du pays roussillonnais n°405355)

En ce qui concerne les décisions implicites de rejet

Le Conseil d’Etat a étendu la jurisprudence CZABAJ à la contestation d’une décision implicite de rejet et ce, aux termes de son arrêt du 18 mars 2019.
(JOUNDA NGUEGOH Requête n° 41 7270)

La Haute Juridiction est venue préciser que ce délai d’un an pour saisir la juridiction n’est opposable au demandeur que si et seulement si celui-ci « a eu connaissance de la décision ».

Les magistrats administratifs relèvent alors que : « La preuve d’une telle connaissance ne saurait résulter du seul écoulement du temps depuis la présentation de la demande. Elle peut, en revanche, résulter de ce qu’il est établi soit que l’intéressé a été clairement informé des conditions de connaissance d’une décision implicite lors de la présentation de sa demande, soit que la décision a par la suite été expressément mentionnée au cours de ses échanges avec l’administration, notamment, à l’occasion d’un recours gracieux dirigé contre cette décision. »

Ainsi, au-delà de ces deux cas expressément visés par la Haute Juridiction Administrative, le délai raisonnable d’un an posé par l’arrêt du 18 mars 2019 précité, ne s’appliquera toujours pas en ce qui concerne les décisions implicites de rejet pour lesquelles le demandeur n’en aura jamais eu connaissance.

La jurisprudence du Conseil d’Etat issue de son arrêt du 1e mars 1996 (Mr HABBIB n°117453) reste en vigueur.

Si, consécutivement à une décision implicite de rejet, du fait du silence gardé par l’Administration pendant deux mois, ladite administration notifie désormais à l’intéressé une décision expresse de rejet avant que n’expire le délai de recours contentieux, un nouveau délai de 2 mois s’ouvre à compter de cette décision expresse de rejet.

Cette règle est d’ailleurs codifiée à l’article R 421-1 alinéa 1 du Code de Justice Administrative. En revanche, aux termes d’un arrêt du 17 juin 2019 (Requête n°413797), la Haute Juridiction est venue rappeler que, si la décision expresse de rejet intervient au-delà du délai de 2 mois, cette décision expresse doit être considérée comme une décision purement confirmative, non susceptible de recours. Seule la décision implicite de refus reste contestable, si les conditions du délai raisonnable sont remplies.

Enfin, aux termes de son avis du 30 janvier 2019 (Avis n° 420797), le Conseil d’Etat est venu préciser les conditions de recours contre une décision implicite de refus en matière de plein contentieux et, en particulier, les refus tacitement opposés par l’Administration à une demande indemnitaire.

L’article R 421-3 du Code de Justice Administrative, dans sa version applicable avant l’adoption du Décret du 2 novembre 2016, prévoyait en effet que le délai de recours de 2 mois ne courait qu’à compter d’une décision expresse « en matière de plein contentieux ».

Dans cette matière, seule une décision expresse était donc susceptible de faire courir le délai contentieux.

Il s’agissait d’une exigence réglementaire.

Du fait de sa suppression, le silence de l’administration sur une demande indemnitaire préalable vaut refus et doit être contesté en tout état de cause dans le délai raisonnable d’un an.

Le Conseil d’Etat a encore réservé l’hypothèse où l’administration est tenue légalement, sur une demande préalable, de donner une réponse expresse et motivée, positive ou négative. Dans de telles conditions, à défaut d’une telle décision expresse, s’appliquent seules les dispositions relatives à la prescription quadriennale issue de la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1969 relative à la prescription des créances sur l’Etat, les départements et les communes et les établissements publics.
(Conseil d’Etat 17 juin 2019 n°413097)

Les délais précités de deux mois et le délai raisonnable d’un an constituent des délais de forclusion.

Le délai quadriennal constitue, quant à lui, un délai de prescription.

Gérald CHALON, avocat à Reims en droit du travail et droit public
Gérald CHALON
Avocat associé

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