Ordonnances Macron : la procédure de précision des motifs énoncés dans la lettre de licenciement

Publié le

Le décret n°2017-1702 du 15 décembre 2017 relatif à la procédure de précision des motifs énoncés dans la lettre de licenciement est publié au Journal Officiel du 17 décembre 2017.

Une des ordonnances « Macron » du 23 septembre dernier relative à la prévisibilité et à la sécurisation des relations de travail avait prévu la possibilité pour l’employeur, soit de sa propre initiative, soit à la demande du salarié, de préciser (et non plus de « compléter » comme cela avait été initialement prévu), les motifs énoncés dans sa lettre de licenciement, quel qu’en soit le motif, économique ou personnel, et ce postérieurement à l’envoi de cette lettre de licenciement.

On s’interrogeait notamment sur l’existence ou non d’un délai offert à l’employeur pour ainsi se « rattraper ». L’employeur aurait-il jusqu’à la saisine du Conseil de Prud’hommes ? Pourrait-il toujours préciser en cours d’instance ? Jusqu’à la plaidoirie (la procédure étant « orale ») ?

Le décret répond à ces questions et prévoit :
Des délais
• le salarié a 15 jours à compter de la notification du licenciement pour demander des précisions à l’employeur
• l’employeur a à son tour 15 jours pour lui répondre après la réception de sa demande
• l’employeur peut aussi prendre l’initiative de préciser ses motifs de licenciement dans les 15 jours suivants la notification de sa lettre de licenciement
Un formalisme
• Les parties s’écrivent soit par lettre recommandée avec avis de réception
• Soit par lettre remise contre récépissé

Ces nouvelles règles sont applicables aux licenciements notifiés postérieurement à sa publication, soit postées à compter du lundi 18 décembre dernier.

Plusieurs remarques à ce stade :

« 15 jours » : travaillés ? ouvrés ? ouvrables ? A défaut de précision dans le texte, on peut estimer qu’il s’agit de jours calendaires, mais dont le terme est reporté au premier jour ouvrable suivant lorsqu’il expire un dimanche ou un jour férié ;

« à compter de la notification » : au dernier état de la jurisprudence de la Cour de cassation, et à défaut de précision du texte, on peut penser qu’il s’agit-là de la date d’envoi de la lettre. Cependant, la question risque d’être débattue car logiquement le délai ne saurait courir à l’égard du salarié qu’à compter de sa réception du courrier (ou de sa présentation à son domicile par La Poste), alors que pour l’employeur il devrait courir à compter de l’envoi, étant rappelé qu’en la matière, la règle de droit commun est de ne pas compter le jour du point de départ du délai, mais de compter le dernier jour du délai ;

« demander des précisions » : justement le texte n’oblige pas le salarié à expliciter sa demande, qui peut demeurer très vague (et même limitée à ces seuls termes)

La seule insuffisance de motivation d’une lettre de licenciement est désormais sanctionnée par une indemnité limitée à 1 mois de salaire, mais seulement lorsque le salarié n’a pas formulé de demande de précision à son employeur. S’il l’a fait, et que la lettre demeure insuffisamment motivée, alors le licenciement sera jugé sans cause réelle et sérieuse, et l’indemnité sera alors fixée dans le cadre du nouveau barème d’indemnisation en fonction de l’ancienneté du salarié et de l’effectif de l’entreprise ;

• C’est toujours la lettre de licenciement, éventuellement ainsi « précisée » qui « fixera les limites du litige » devant le Conseil de Prud’hommes : les juges ne peuvent prendre en compte des motifs qui ne figurent pas dans la lettre de licenciement initiale et qui ont été ajoutés postérieurement dans la lettre de « précisions ».

Gageons que certains vont prendre la plume entre Noël et Jour de l’An !

Vanessa LEHMANN
avocat associé

 

Vanessa LEHMANN
Avocat associé

Dans la même thématique

Prime et absence au travail : quelles articulations ?

Publié le - Thème(s) : Thème : Droit du salarié, Thème : Droit social des employeurs
L’entreprise connait plusieurs régimes de primes et le salarié s’interroge de l’impact de ses absences sur le montant de celles-ci.

Une rupture conventionnelle peut-elle être valablement conclue en alternative à un licenciement pour motif disciplinaire ?

Le choix laissé par l’employeur entre licenciement pour faute et rupture conventionnelle ne constitue pas en soi une pression pouvant remettre en cause la régularité de la rupture conventionnelle.

La procédure de mise en demeure mise en œuvre par l’employeur qui entend faire valoir la présomption de démission du salarié en cas d’abandon de poste volontaire.

Publié le - Thème(s) : Thème : Droit du salarié, Thème : Droit social des employeurs
Depuis le 23 décembre 2022, l’employeur ne peut désormais plus recourir au licenciement pour faute grave pour licencier un salarié ayant volontairement abandonné son poste. C’est ce qu’à nouvellement instauré le législateur dans une récente Loi du 21 décembre 2022 (Loi n°2022-1598) qui créé, à l’article L. 1237-1-1 du Code du travail, la présomption de démission du salarié en cas d’abandon de poste.

Action de requalification des CDD en CDI : les précisions de la Cour de cassation en 2023

Publié le - Thème(s) : Thème : Droit du salarié, Thème : Droit social des employeurs, Thème : Rédaction des contrats de travail et avenants
En 2023, la Chambre sociale de la Cour de cassation a eu l’occasion de préciser les règles de droit applicables aux contrats à durée déterminée. A défaut, de respect de ces conditions de fond et de forme, la juridiction prud’homale sera habilitée à prononcer la requalification du contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée. 

La dispense de reclassement du salarié inapte strictement encadrée par la loi.

Dans un arrêt rendu le 13 septembre 2023, la chambre sociale de la Cour de cassation a eu à se prononcer sur la régularité d’un licenciement pour inaptitude sans recherche de reclassement et a réaffirmé avec force les conditions strictes auxquelles devait répondre cette procédure.

Preuve de la faute du salarié : le retour du "client mystère" (Cass.soc. 6 septembre 2023)

Publié le - Thème(s) : Thème : Droit du salarié, Thème : Droit social des employeurs
Dans un arrêt du 6 septembre 2023, la chambre sociale de la Cour de Cassation a jugé que la pratique du "client mystère" pour établir d'éventuelles fautes du salarié est licite mais sous certaines conditions.

Les conditions de validité des clauses de rémunération variable

Publié le - Thème(s) : Thème : Droit du salarié, Thème : Droit social des employeurs, Thème : Rédaction des contrats de travail et avenants

La libre fixation des salaires implique la liberté de la négociation collective, et également le principe de la liberté contractuelle.

C’est la loi du 11 février 1950 qui a marqué le retour à la libre discussion des salaires, après une période de fixation autoritaire. Les clauses de rémunération variable s’inscrivent dans ce contexte de liberté contractuelle.

Non-concurrence et non-sollicitation : la protection systématique du salarié

Publié le - Thème(s) : Thème : Droit du salarié, Thème : Droit social des employeurs

Ces deux dernières années, la jurisprudence a confirmé la protection des intérêts du salarié dans les contentieux relatifs à l’application des clauses de non concurrence et de non sollicitation, que ce soit des clauses de non sollicitation du personnel ou de clientèle.

L’occasion de faire le point sur ces notions et l’apport de la jurisprudence.

Le strict délai de notification du licenciement disciplinaire

Licenciement pour motif disciplinaire : Employeur, soyez vigilant lorsqu’un report de l’entretien intervient afin de vous assurer du respect des délais de notification du licenciement, ou alors refuser tout report de l’entretien préalable. À lire ici.

Enquêtes internes et preuve du harcèlement

Harcèlement et lanceurs d'alerte : quelles sont les obligations de l'employeur ? À lire ici.