Accident de passage à niveau : encore un… Avenay-Val-d’Or le 15 juillet 2019

Publié le 17 juillet 2019

L’actualité est une nouvelle fois marquée par un dramatique accident à un passage à niveau.

Après les accidents d’Allinges (74) en 2008 entre un autocar et un TER, Saint-Médard (35) en 2011 entre un camion et un TER, et Millas (66) en 2017 entre un autocar et un TER, c’est désormais Avenay-Val d’Or, dans la Marne (51), qui est frappé.
Dans la matinée du 15 juillet, s’y est produit une violente collision entre un véhicule léger et un TER.
Bilan : quatre morts, dont trois enfants âgés d’un à onze ans, passagers du véhicule, et des blessés légers dans le train.

Dans chacune de ces collisions, le passage à niveau accidenté était équipé d’une signalisation automatique lumineuse avec sonnerie, et de deux demi barrières couvrant la moitié droite de la chaussée dans chaque sens.

Le principe de fonctionnement de ce type de passage à niveau est le suivant :
- Dès la détection du train, les feux rouges clignotants et les sonneries du passage à niveau sont simultanément activés ;
- Après l’activation des sonneries et des feux clignotants, les deux demi-barrières chutent simultanément ;
- Après la fermeture complète des barrières, les sonneries s’arrêtent mais les feux clignotants restent allumés ;
- Le train franchit le passage à niveau.

La quasi-totalité des collisions survenues à un passage à niveau résulte d’une faute de conduite des usagers routiers, qu’il s’agisse d’une faute d’imprudence ou d’inattention.

Il convient de rester très prudent, car l’enquête ne fait que commencer, mais les constatations initiales réalisées au niveau du passage à niveau d’Avenay-Val-d’Or semblent montrer que la demi barrière du côté de l’arrivée du véhicule accidenté était brisée.
Les premiers témoignages indiquent également que le système sonore d’avertissement s’était enclenché.

Le Cabinet ACG gère de nombreux accidents de passage à niveau, la démarche de SNCF est toujours la même :
- Démontrer que les barrières fonctionnaient ;
- Rappeler qu’un train est toujours prioritaire sur les usagers routiers ;

Mais, petit à petit, les juges considèrent que la faute des usagers routiers n’est pas exonératoire de responsabilité pour SNCF Réseau et SNCF Mobilités.
En effet, certains tribunaux ont jugé que le franchissement des signaux sonore et lumineux et/ou des barrières d’un passage à niveau n’est pas totalement imprévisible pour le groupe SNCF, professionnel du rail.

L’obligation de prudence et de sécurité de résultat à laquelle SNCF Réseau et SNCF Mobilités sont soumises est d’autant plus renforcée qu’il s’agit de professionnels du rail qui disposent, compte tenu de la nature de leurs missions, fonctions et compétences, des connaissances, du pouvoir et des moyens, qu’ils doivent se donner, de faire assurer la sécurité des usagers de la route et du rail ou d’alerter les autorités compétentes.

Les juges ne se satisfont pas du respect de la règlementation applicable au passage à niveau (maintenance, normes de fonctionnement, vitesse…) et exigent un comportement proactif en matière de normes et mesures sécuritaires.

Les deux entités ferroviaires SNCF ont ainsi été condamnées à plusieurs reprises ces dernières années au côté des usagers routiers fautifs, à la suite d’accidents de passage à niveau :
- Dans le cadre de l’accident d’Allinges, par le Tribunal correctionnel de Thonon-les-Bains, le 26 juin 2013, décision qui n’a fait l’objet d’aucune contestation (400.000 euros d’amende pour SNCF Réseau et 200.000 euros d’amende pour SNCF Mobilités) ;
- Dans le cadre de l’accident de Saint-Médard, par le Tribunal correctionnel de Rennes le 2 juillet 2018 (respectivement à une peine d’amende d’un montant de 300.000 euros). Les sociétés ferroviaires ont interjeté appel et nous plaiderons devant la Cour d’appel de Rennes au mois de septembre 2019 ;

Plusieurs systèmes sont de nature à limiter le nombre d’accidents de passage à niveau, à tout le moins leurs conséquences humaines et matérielles :

- L’installation d’un équipement permettant de diffuser le signal sonore d’alerte en continu, de l’abaissement des barrières jusqu’à leur relèvement, alors qu’actuellement la sonnerie s’éteint à la fermeture des barrières (avant et pendant le passage du train il n’y a pas d’alerte sonore) ;

Il s’agit de l’une des recommandations émises par le Bureau d’Enquête sur les Accidents – Transport Terrestre en mai dernier dans son rapport faisant suite à l’accident de Millas.
Un tel système permettrait d’attirer l’attention des conducteurs.

- L’installation de détecteurs de masse inerte ou capteur avec interrupteur de fin de course des demi-barrières afin de provoquer le plus tôt possible le freinage d’urgence du train ;

La question de la détection automatique d'obstruction des passages à niveau n'est pas nouvelle.
Dès 1994 la Fédération Nationale des Victimes d’Attentats et d’Accidents Collectifs (FENVAC) a attiré l’attention de SNCF Mobilités sur ce point.

A la suite de la collision de Nevers entre un bus et un TER le 3 février 2009, le BEA-TT a recommandé de procéder à une évaluation des avantages et des inconvénients des dispositifs de détection automatique des obstacles fixes sur les passages à niveau et d’organiser une veille technologique à ce sujet.

Ces systèmes ont fait leurs preuves et sont utilisés dans d’autres pays, comme Israël et le Japon.
Le Japon a opté pour un radar tri dimensionnel dont le premier a été installé en 2005.

 

Les études relatives à ces dispositifs restent limitées en France.

- L’installation d’un système de détection de bris des barrières (torches) permettant d’avertir le conducteur d’un train du danger ;

Au niveau de certains passages à niveau ont été installées en amont des torches qui s’allument en cas de bris de barrière.

Avec ce système, le conducteur est informé en amont de la présence des deux barrières et peut ainsi adapter sa vitesse en cas d’alerte.

Cette mesure, simple à mettre en place, et peu coûteuse, demeure appliquée de manière très limitée.

- La mise en place d’un système de report de l’alerte de fermeture d’un passage à niveau à l’intérieur des « véhicules connectés » ;

Dans le cadre de l’accident de Millas, le BEA-TT a recommandé une étude de faisabilité d’une connexion entre les véhicules et les passages à niveau, permettant d’avertir le conducteur depuis l’habitacle du véhicule de la fermeture du passage à niveau qu’il s’apprête à franchir.

On pourrait imaginer plusieurs modalités : sonnerie sur Smartphone, alerte sur GPS, mise en œuvre des systèmes de freinage automatique d’urgence dont sont équipés les véhicules modernes…

- La mise en place d’une caméra frontale en tête de rame et d’un enregistreur sur les passages à niveau dans un objectif d’amélioration de la sécurité ;

Là encore il s’agit d’une préconisation émise par le BEA-TT à la suite de l’accident de Millas.
L’objectif est d’enregistrer les évènements anormaux des passages à niveau, afin de les analyser et trouver les moyens de les prévenir.

Les recommandations du BEA-TT, dont la compétence en matière d’évaluation technique des incidents ou accidents est particulièrement reconnue, sont essentielles et se doivent d’être suivies d’effet dans un souci d’amélioration de la sécurité des passages à niveau.

Il existe en France environ 15.000 passages à niveau, qui restent un foyer accidentogène insupportable (31 décès en 2016, 42 en 2017 et 16 en 2018).

Le BEA-TT s’est d’ores et déjà saisi de ce nouveau cas d’accident de passage à niveau survenu dans la Marne, à Avenay-Val-d’Or, le 15 juillet 2019, et rendra rapidement publiques ses conclusions et recommandations.

Dans la même thématique

Quelles réponses face au harcèlement scolaire ?

Publié le 28 novembre 2023 - Thème(s) : Thème : Droit des victimes, Thème : Droit pénal
Le harcèlement scolaire est aujourd’hui devenu un problème sociétal profondément enraciné dans la société. Focus sur les solutions politiques, pénales et disciplinaires à disposition des victimes et de leurs parents.

La Cour de cassation confirme sa position en alignant la pension d’invalidité sur le régime de la rente accident du travail

Publié le 13 septembre 2023 - Thème(s) : Thème : Droit des victimes
La Cour de cassation confirme sa position en alignant la pension d’invalidité sur le régime de la rente accident du travail : la pension d'invalidité ne répare pas le déficit fonctionnel permanent (DFP).

La Cour de cassation opère un revirement attendu sur la rente accident travail

Publié le 06 février 2023 - Thème(s) : Thème : Droit du salarié, Thème : Accident de travail, maladie professionnelle, Thème : Droit des victimes

Une injustice existait depuis longtemps pour les victimes d’accident du travail qui voyaient diminuer leur indemnisation du déficit fonctionnel permanent en cas de rente AT.

En effet, la Cour de cassation avait décidé que la rente versée aux victimes d’un accident du travail devait être déduite des postes professionnels (pertes de gains professionnels futurs et incidence professionnelle), ce qui se comprenait, mais aussi du déficit fonctionnel permanent. Ce qui était très largement décrié par les avocats de victime.

L’arrêt V13 (attentats du 13 novembre 2015)

Publié le 25 octobre 2022 - Thème(s) : Thème : Droit des victimes, Thème : Victime d’attentat
L’arrêt V13 (attentats du 13 novembre 2015) sur intérêts civils a été rendu ce matin par la Cour d’assises spécialement composée. Il s’agit de la partie d’un arrêt qui décide qui peut être considéré comme partie civile, c'est-à-dire comme victime au sens du droit pénal à la suite des condamnations pour tentative d’assassinat terroriste, complicité, association de malfaiteurs, terroriste ou non. Cette décision est importante en ce qu’elle tranche des questions qui étaient toujours pendantes près de 8 années après les faits et surtout parce qu’elle pose un cadre qui, au-delà des seuls attentats du 13 novembre, permettra de résoudre des questions consécutives à d’autres attentats.

Les frères CLAIN : mort non officielle et condamnation exemplaire

Publié le 08 septembre 2022 - Thème(s) : Thème : Droit des victimes, Thème : Victime d’attentat

A la fin du mois de février 2019, les médias ont annoncé la mort des frères Fabien et Jean-Michel CLAIN, jihadistes français, acteurs majeurs de la propagande francophone de l’État islamique, dans des frappes de la coalition internationale.

La Taqqiya ou l’art de la dissimulation dans le jihadisme

Publié le 08 septembre 2022 - Thème(s) : Thème : Droit des victimes, Thème : Victime d’attentat

La Cour d’assises antiterroriste spécialement composée de magistrats professionnels juge en ce moment-même vingt individus accusés d’avoir participé aux attentats du 13 novembre : coordinateurs, membres de commandos, logisticiens…

Les débats qui ont lieu sur l’île de la cité, au sein du Palais de justice historique, dans une salle d’audience spécialement construite et aménagée en vue de ce procès, ont à plusieurs reprises fait référence à la Taqqiya.

Procès de l’attentat de Villejuif : Plaidoirie de Gérard CHEMLA

Publié le 16 novembre 2020 - Thème(s) : Thème : Droit des victimes, Thème : Victime d’attentat

‘Juger c’est comprendre et je ne vous comprends pas Monsieur GHLAM’

Quelques rappels

Le dimanche 19 Avril 2015 au petit matin, Sid Ahmed GHLAM, jeune étudiant parisien dont la famille est installée à St Dizier (52), avait comme projet de s’attaquer aux fidèles de l’église Ste Thérèse de Villejuif.

Les réquisitions dans le procès du projet d’attentat de Villejuif

Publié le 04 novembre 2020 - Thème(s) : Thème : Droit des victimes, Thème : Victime d’attentat

"On a toujours parlé à tort de l'attentat manqué de Villejuif. C'est oublier qu'Aurélie Châtelain a été assassinée ce dimanche 19 avril sur un parking de Villejuif (…) Elle a été la première et heureusement la seule victime de l'attentat de Villejuif. (...) Elle avait 32 ans et toute la vie devant elle".

Ce sont les premiers mots des avocates générales ce lundi 2 novembre, qui aux termes d’un réquisitoire de six heures, ont requis la condamnation de l’ensemble des accusés.

Sonia MEJRI, l’épouse d’un dirigeant de l’armée secrète de l’Etat Islamique

Publié le 29 octobre 2020 - Thème(s) : Thème : Droit des victimes, Thème : Victime d’attentat

La Cour d’Assises Spéciale chargée de juger Sid-Ahmed Ghlam et ses coaccusés a entendu comme témoin Sonia Mejri, l’épouse sur zone d’Abdelnasser Benyoucef, cadre de l’état Islamique et principal commanditaire de l’attentat.

C’est l’un des moments forts de ce procès.

Le rôle des femmes au sein de l’Etat islamique

Le rôle des femmes au sein de l’EI est relativement limité ; à la connaissance des services spécialisés, aucune femme n’a eu un pouvoir décisionnaire au sein de l’EI.

Sid-Ahmed GHLAM et le manuel du “parfait petit terroriste”

Publié le 28 octobre 2020 - Thème(s) : Thème : Droit des victimes, Thème : Victime d’attentat

Les enquêteurs ont découvert à l’intérieur du véhicule de Sid-Ahmed Ghlam un classeur de vingt-sept feuilles volantes supportant des annotations manuscrites en langues française et arabe, précisant l’organisation d’un attentat, sorte de manuel pour futur terroriste.

Ce manuel du terroriste, dont Sid-Ahmed Ghlam précisera à l’audience qu’il était en permanence dans son sac à dos, permet de reconstituer ses projets et d’expliquer au moins en partie le déroulement des faits.