La dispense de reclassement prononcée par le médecin du travail empêche l’employeur de licencier le salarié inapte pour refus de reclassement

Publié le

Il est constant que l’employeur peut rompre le contrat de travail d’un salarié déclarée inapte dès lors qu’il justifie de la mention expresse dans l’avis du médecin du travail que « tout maintien de l’intéressé dans un emploi serait gravement préjudiciable à sa santé » ou que « son état de santé fait obstacle à tout reclassement ». L’employeur est alors dispensé de rechercher et de proposer au salarié des postes de reclassement. Ce principe vaut pour l’inaptitude d’origine professionnelle (article L1226-12 et L.1226-20 du code du travail) et non professionnelle (article L1126-2-1 du même code). 

 

Dans cette hypothèse, l’employeur peut-il tout de même rechercher à reclasser le salarié inapte au sein de l’entreprise, puis le licencier pour refus des postes proposés ?

 

La chambre sociale de la Cour de cassation a eu à se prononcer sur cette question dans un arrêt rendu le 12 juin 2024. 

 

En l’espèce, une ouvrière agricole a été victime d’un accident du travail le 9 juin 2016. Elle a été déclarée « inapte à tous postes dans l’entreprise » en une seule visite, avec mention dans l’avis médical du 2 septembre 2016 « danger immédiat, tout maintien dans l’entreprise serait préjudiciable à son état de santé ». Elle a été licenciée le 23 juin 2017 pour refus abusif de 3 postes de reclassement, ce qu’elle a contesté devant la juridiction prud’homale. 

 

La salariée a souligné le caractère abusif de son licenciement pour refus de reclassement. Elle a fait valoir que l’employeur aurait dû la licencier pour inaptitude et impossibilité de reclassement et lui verser l’intégralité des indemnités auxquelles elle a droit, et notamment l’indemnité spéciale de licenciement.  

 

L’employeur, quant à lui, a précisé que les textes en vigueur lui offraient la possibilité de licencier la salariée inapte sans rechercher de reclassement mais ne l’obligeait pas à prononcer un licenciement immédiat. Il ajoutait qu’il était en droit de rechercher des possibilités de reclassement. 

 

La Cour de cassation a approuvé les juges du fond d’avoir jugé le licenciement de la salariée sans cause réelle et sérieuse. Elle a relevé d’une part qu’il avait été « constaté que l’avis d’inaptitude mentionnait expressément que tout maintien de la salariée dans l’entreprise serait préjudiciable à sa santé » et d’autre part, que « les propositions de reclassement faites par l’employeur n’étaient pas compatibles avec les recommandations du médecin du travail ».  

 

Ainsi, lorsque le médecin du travail déclare le salarié inapte en cochant un cas de dispense de l’obligation de reclassement, l’employeur ne pas passer outre en proposant tout de même un reclassement au salarié et tirer profit du refus de ce dernier pour le licencier sans paiement de l’indemnité spéciale de licenciement (égale au double de l’indemnité minimale légale de licenciement) ainsi que l’indemnité compensatrice de préavis qui ne sont pas dues en cas de refus abusif des postes de reclassement proposés.

 

L’employeur doit se conformer à l’avis du médecin du travail.

 

La solution retenue par la Cour de cassation apparaît logique et la clarification apportée s’avère opportune compte tenu des implications pécuniaires en résultant. 

 

Maître Olivier BARNEFF, avocat en droit du travail

Olivier BARNEFF
Avocat associé

Dans la même thématique

Panorama d’actualité 2024 en droit du travail : la preuve par des éléments personnels (9)

Publié le - Thème(s) : Thème : Droit du salarié, Thème : Droit social des employeurs

L’illicéité ou la déloyauté dans l'obtention ou la produ

Panorama d’actualité 2024 en droit du travail : la preuve par enregistrement sonore (8)

Publié le - Thème(s) : Thème : Droit du salarié, Thème : Droit social des employeurs
L’illicéité ou la déloyauté dans l'obtention ou la production d'un moyen de preuve ne conduit plus nécessairement à l'écarter des débats judiciaires

Panorama d’actualité 2024 en droit du travail : la recherche de reclassement préalable au licenciement économique (7)

Même si le salarié a refusé un poste dans le cadre d’une proposition de modification de contrat de travail pour motif économique, ce même poste doit lui être à nouveau proposé, s’il est toujours disponible, à titre de solution de reclassement afin d’éviter son licenciement.

Panorama d’actualité 2024 en droit du travail : la recherche de reclassement préalable au licenciement économique (6)

L’absence de l’une quelconque des mentions règlementaires dans l’offre de reclassement préalable au licenciement économique prive celui-ci de sa cause réelle et sérieuse.

Panorama d’actualité 2024 en droit du travail : la recherche de reclassement préalable au licenciement economique (5)

L’existence de mesures visant à faciliter les reclassements dans le PSE ne dispense pas l’employeur de la charge de prouver qu’il a loyalement procédé à une recherche de reclassement individuel pour chaque salarié.

Panorama d’actualité 2024 en droit du travail : le motif économique de licenciement (4)

Le licenciement économique notifié pendant l’arrêt maladie est-il présumé discriminatoire lorsque le motif économique n’est pas réel et sérieux ?

Panorama d’actualité 2024 en droit du travail : le motif économique de licenciement (3)

La spécialisation d'une entreprise dans le groupe ne suffit pas à exclure son rattachement à un secteur d'activité plus étendu, au sein duquel doit être apprécié le motif économique de licenciement.

Panorama d’actualité 2024 en droit du travail : le motif économique de licenciement (2)

Le recours à Doctolib ne constitue pas une mutation technologique selon la Cour d’appel de Paris.

Panorama d'actualité 2024 en droit du travail : Le motif économique de licenciement (1)

Les pertes d’exploitation doivent être sérieuses et durables pour constituer des difficultés économiques fondant un licenciement