Salarié et infraction au code de la route : qui est responsable ?
Les questionnements sont nombreux sur ce point.
Depuis le 1er janvier 2017, la loi n°2016-1547 prévoit, en son article L. 121-6 du Code de la route, une obligation, à l’égard de l’employeur, de dénoncer l’identité du salarié ayant commis une infraction routière.
Plusieurs précisions s’imposent.
- Quelles sont les modalités à respecter par l’employeur ?
Lorsqu’une infraction au Code de la route est relevée, le représentant légal de la société doit alors dénoncer le salarié conducteur, à moins qu’il parvienne à établir une cause de non-imputabilité de l’infraction, telle que le vol, l’usurpation de plaque d’immatriculation ou la force majeure.
Pour cela, il dispose d’un délai de 45 jours à compter de la réception de l’avis de contravention, pour adresser, par lettre recommandée avec accusé réception ou sur le site internet ANTAI, tout justificatif tendant, soit à identifier le salarié, soit à établir l’existence d’une cause de non-imputabilité. En tout état de cause, l’employeur doit indiquer la référence du permis de conduite du salarié au volant au moment des faits.
- L’employeur peut-il refuser de dénoncer son salarié ?
Oui, l’employeur peut refuser de dénoncer mais dans ce cas, il s’expose à de lourdes sanctions financières. En effet, lorsque l’employeur omet de dénoncer le salarié responsable de l’infraction routière il sera, d’une part, personnellement pécuniairement redevable de l’avis de contravention, et d’autre part, pénalement responsable du défaut de dénonciation pouvant entrainer une amende de 4ème classe, soit 3.750€ maximum.
La jurisprudence de la Cour de cassation a pu clarifier le sens de l’article L. 121-6 du Code de la route, prévoyant ainsi que seul le représentant légal de la personne morale est tenu de dénoncer l’identité du conducteur d’un véhicule ayant servi à commettre l’infraction (Cass. Crim, 11 déc 2018, n°18-82.628 ; Cass. Crim, 15 janv. 2019, n°18-82.423 ; Cass. Crim, 22 janv. 2019, n°18-81.317).
Dès lors, il important de retenir qu’une société ne peut s’acquitter des avis de contraventions dont le représentant est personnellement responsable. A défaut, le représentant légal se rendrait coupable d’abus de biens sociaux et encourrait jusqu’à 2 ans d’emprisonnement. Aussi, la prise en charge des amendes par l’employeur pour des infractions commises par un salarié constitue un avantage en nature soumis à cotisations sociales (Cass. 2ème Civ, 9 mars 2017, n°15-27.538).
- Quelles sont les infractions routières concernées par cette procédure ?
Attention, toutes les infractions ne sont pas concernées par cette procédure de dénonciation. Il s’agit en effet des infractions constatées par un appareil de contrôle automatique ayant fait l’objet d’une homologation et dont la liste exhaustive est expressément énoncée aux articles R. 121-6 et R. 130-11 du Code de la route. On trouve, à titre d’illustrations, l’usage du téléphone tenu en main, la circulation sur les bandes d’arrêt d’urgence, les excès de vitesse, …
- Qui est redevable de l’amende et du retrait des points sur le permis de conduire ?
Il convient de distinguer ici 2 hypothèses.
Premièrement, lorsque l’infraction a été commise par le salarié et que l’employeur a procédé à sa dénonciation. Dans ce cas, le salarié est redevable pécuniairement de la contravention, laquelle entrainera le retrait des points correspondants sur le permis de conduire. Par exemple, pour le défaut de port de la ceinture de sécurité, le salarié sera redevable d’une amende de 135€ et perdra 3 points sur son permis de conduire.
Secondement, si l’employeur ne dénonce pas le salarié il devra s’acquitter du paiement de l’amende. Ici, aucune perte de point ne pourra être infligée mais l’employeur encourt, en plus du paiement de la contravention, des poursuites pénales pour défaut de dénonciation. Ainsi, par exemple, si un salarié se fait flasher pour excès de vitesse et que l’employeur ne le dénonce pas, cette infraction pourra lui couter en 540€ et 1.965€ (90€ d’amende forfaitaire + 450€ à 1875€ d’amende pour défaut de dénonciation).
- Quid du contrat de travail du salarié responsable d’une infraction routière ?
L’infraction au Code de la route par le salarié peut justifier son licenciement pour cause réelle et sérieuse, voir son licenciement pour faute grave. Il en va ainsi du salarié privé de son permis de conduire en raison d’un excès de vitesse important commis pendant son temps de travail avec un véhicule professionnel, l’empêchant d’exercer valablement ses fonctions (Cass. Soc, 28 févr. 2018, n°17-11.334).
De même, est justifié d’une faute grave, le licenciement d’un chauffeur camion ayant provoqué un accident résultant d’une conduite dangereuse alors que deux autres salariés étaient à bord du véhicule, dans la mesure où ce dernier viole son obligation sécurité prévue à l’article L. 4122-1 du Code du travail (Cass. Soc, 15 déc. 2016, n°15-21.749). Cependant, n’est pas justifié d’une faute grave, le licenciement d’un salarié qui s’était vu retiré son permis hors du temps de travail pour conduite en état d’ébriété (Cass. Soc, 10 juill. 2013, n°12-16.878).
En tout état de cause, toute retenue sur salaire est expressément interdite, sauf faute lourde du salarié (Cass. Soc, 17 avr. 2013, n°11-27.550). De même, une clause obligeant le salarié à rembourser ses amendes est nulle (Cass. Soc, 11 janv. 2006, n°03-43.587).