Les accidents? ça n’arrive qu’aux autres...

Publié le 25 février 2015

L’affaire Vincent Lambert a défrayé la chronique locale. Elle a pris une dimension internationale puisque la Cour Européenne des Droits de l’Homme devrait dire dans quelques semaines si la démarche de l’équipe du docteur Kariger qui a décidé de mettre un terme aux soins en application de la loi Leonetti poursuit une démarche légitime.
1. l’Affaire
Il s’agit d’une histoire à la fois banale et en même temps terrible. Un jeune homme d’une trentaine d’année et père d’une petite fille de 2 mois est victime d’un terrible accident de la circulation qui le plonge dans un coma profond.
Il conserve néanmoins quelques mouvements, une activité cérébrale qui écarte la notion de mort clinique et des manifestations physiques.
« Ses yeux, la plupart du temps inexpressifs ou clos, suivent parfois le visiteur, par saccades, lorsque celui-ci se déplace autour de son lit. Un bruit peut les faire subitement cligner. Une voix familière ou une émotion palpable dans la chambre, et voilà que des larmes s’en échappent. Son corps réagit aussi, tout entier, à l’environnement. Un pincement le crispe, un claquement de porte provoque un sursaut. Un inconfort physique et Vincent Lambert gémit. »
Pour autant, il ne s’agit que de la mémoire du corps, pas de réactions réelles estiment les médecins Belges avec lesquels est tentée la mise en place d’une communication. Ils proposeront l’euthanasie.
Au bout de 18 mois, l’équipe soignante de Reims considère que le coma est irréversible et sont persuadés que ses réactions ne sont que réflexes ou mécaniques.
Au bout de 4 années ils ont le sentiment que son corps souffre.
Après un parcours de discussion et de réflexion avec sa femme et le personnel de l’équipe, il est décidé de débrancher sa sonde d’alimentation, indispensable à sa survie.
Ses parents et une petite partie de la famille, chrétiens intégristes, décident alors d’engager un combat judiciaire qui amènera dans un premier temps le juge administratif de Chalons à décider d’ordonner qu’il soit réalimenté du fait d’une erreur de procédure (oubli de faire participer à la discussion les parents qui vivent éloignés de plusieurs centaines de km).
Un nouveau processus s’engage qui associe toute la famille et aboutit à la même conclusion. Nouveau procès et nouvelle décision du Tribunal Administratif de Chalons qui cette fois :
• écarte les volontés du patient qui n’avaient pas été écrites et qui pouvaient avoir évoluées
• estime que les mouvements et réactions du patient constituent une communication avec l’extérieur, ce qui transformerait l’arrêt des soins en décision de mise à mort.
Le Conseil d’Etat évite (lui) de se prendre pour un médecin et désigne un collège d’experts qui conclut à l’absence de signification des mouvements constatés et à l’absence irréversible de toute conscience chez ce patient.
Il valide la procédure et autorise l’équipe à mettre un terme à l’alimentation et l’hydratation du patient.
Les parents saisissent la Cour Européenne qui va très bientôt trancher.
Au delà du gâchis humain qui amène une famille à se déchirer, un homme (certes inconscient) à souffrir et vivre comme il ne l’aurait pas souhaité, un médecin à s’épuiser au point qu’il baissera les bras. Cette histoire pose la question de l’euthanasie et de l’anticipation d’une telle situation.
Quelques rappels s’imposent.
2. en France l’euthanasie est illégale
Si dans un certain nombre de pays d’Europe un concept de mort assistée a été intégré à la Loi (en Belgique par exemple), ce n’est pas le cas de notre pays.
La loi Leonetti, votée en 2005, a simplement rendu possible la fin de l’acharnement thérapeutique en permettant aux médecins après un parcours de réflexion complexe associant la famille, l’équipe médicale et des médecins extérieurs, non pas de mettre fin aux jours du patient mais de cesser de le soigner.
3. pensez à rédiger vos directives anticipées
Cette loi intègre la notion de directives anticipées qui permettent à chacun d’écrire aujourd’hui ce qu’il voudrait que les médecins fassent de lui dans l’hypothèse où il ne serait plus en état de manifester sa volonté.
Attention, ces directives ne sont valables que pendant trois ans (ce qui suppose de les renouveler régulièrement) et ne s’imposent pas (pour l’instant) aux médecins.
Aucun formulaire n’est nécessaire mais vous pouvez utiliser celui mis en ligne par la CPAM http://www.ameli.fr/…/directives_anticipees__formulaire_Rx_…
Un nouveau texte est en discussion qui donnerait plus de place aux volontés du patient.
4. Désigner une personne de confiance
En 2002, la loi Kouchner de 2002 a introduit la notion de tiers de confiance, personne pouvant prendre les décisions médicales à votre place si nécessaire (coma, démence, incapacité à manifester sa volonté). Il ne décide pas seul dans la mesure où l’équipe médicale a nécessairement le dernier mot. La famille est également consultée. Il exprime ce que vous auriez dit si vous aviez pu vous exprimer.
La loi Leonetti de 2005 permet à ce tiers de confiance de parler pour vous y compris au titre de votre fin de vie.
Attention, ce n’est pas un cadeau que de donner à un proche la responsabilité de vous laisser mourir. Discutez-en complètement avant, de façon à être certain qu’il pourra assumer le poids de cette décision et qu’il ne vous trahira pas dans un geste compassionnel.
Vous pouvez tout à fait le choisir en dehors de la famille.
Une remarque personnelle : n’est il pas hypocrite et finalement discutable au plan humain d’autoriser à ne plus alimenter une personne dont on sait qu’elle va mourir inéluctablement de faim et de soif plutôt que d’autoriser l’euthanasie et éviter qu’elle se pratique mal et en cachette en exposant des âmes généreuses à la Cour d’Assise ? (rappelons-nous du parcours d’un autre Vincent presque homonyme)
A lire absolument l’ouvrage du Dr Kariger « Ma vérité sur l'affaire Vincent Lambert »
Gérard Chemla

Gérard CHEMLA, avocat rémois réputé en matière pénale des victimes
Gérard CHEMLA
Avocat associé

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