Panorama d’actualité 2024 en droit du travail : la recherche de reclassement préalable au licenciement économique (6)

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L’absence de l’une quelconque des mentions règlementaires dans l’offre de reclassement préalable au licenciement économique prive celui-ci de sa cause réelle et sérieuse.

  • Une salariée a été licenciée pour motif économique après avoir refusé une offre de reclassement à un poste de « magasinière » avec reprises de son ancienneté et au même niveau de rémunération, la localité du poste étant précisée.

  • Elle conteste son licenciement au motif que cette offre ne comportait ni la mention du nom de l’employeur, ni celle de la classification du poste proposé.

  • L’employeur soutient que la salariée n’a émis aucune réserve ni demandé aucune précision sur les caractéristiques du poste proposé dans son courrier de refus du poste et considère que l’absence de ces 2 mentions ne constitue qu’une irrégularité de procédure ne suffisant pas à priver le licenciement économique de sa cause réelle et sérieuse.

  • La Cour d’appel donne gain de cause à la salariée, tout comme la Cour de cassation, qui énonce dans un attitude de principe l’absence de l’une des mentions figurant à l’article D.1233-2-1 du Code du travail rend l’offre imprécise, ce qui caractérise un manquement de l’employeur à son obligation de reclassement et prive le licenciement de sa cause réelle et sérieuse.

Selon de dernier alinéa de l’article L.1233-4 du Code du travail « Les offres de reclassement proposées au salarié doivent être écrites et précises ».

L’article D.1233-2-1 du même Code fournit la liste de ces précisions :

« I.-Pour l'application de l'article L. 1233-4, l'employeur adresse des offres de reclassement de manière personnalisée ou communique la liste des offres disponibles aux salariés, et le cas échéant l'actualisation de celle-ci, par tout moyen permettant de conférer date certaine

II.-Ces offres écrites précisent : 

a) L'intitulé du poste et son descriptif ; 

b) Le nom de l'employeur ; 

c) La nature du contrat de travail ; 

d) La localisation du poste ; 

e) Le niveau de rémunération ; 

f) La classification du poste. 

III.-En cas de diffusion d'une liste des offres de reclassement interne, celle-ci comprend les postes disponibles situés sur le territoire national dans l'entreprise et les autres entreprises du groupe dont l'entreprise fait partie. 

La liste précise les critères de départage entre salariés en cas de candidatures multiples sur un même poste, ainsi que le délai dont dispose le salarié pour présenter sa candidature écrite. 

Ce délai ne peut être inférieur à quinze jours francs à compter de la publication de la liste, sauf lorsque l'entreprise fait l'objet d'un redressement ou d'une liquidation judiciaire. 

Dans les entreprises en redressement ou liquidation judiciaire, ce délai ne peut être inférieur à quatre jours francs à compter de la publication de la liste. 

L'absence de candidature écrite du salarié à l'issue du délai mentionné au deuxième alinéa vaut refus des offres. »

Il s’agit en effet de permettre au salarié de se positionner en toute connaissance de cause sur une offre qui doit comporter ces éléments basiques et essentiels.

Dans cet arrêt, la Cour de cassation apporte également des précisions quant à l’indemnisation du licenciement selon le barème légal « Macron ».

  • La salariée a plus de 30 ans d’ancienneté et peut donc prétendre à une indemnité située entre 3 et 20 mois de salaires.

  • L’employeur invoque l’alinéa de l’article L.1235-3 du Code du travail qui permet aux juges du fond de tenir compte des indemnités de licenciement supra-légales versées au salarié, rappelant avoir quant à lui versé l’équivalent de 10 mois de salaires au titre du contrat de sécurisation professionnelle (CSP).

  • L’employeur soutenait également que dans son calcul du salaire servant de base à l’application du barème « Macron », les juges auraient dû retenir le salaire mensuel brut moyen sur les 12 derniers mois, alors qu’ils avaient retenu le salaire du dernier mois précédant le licenciement.

  • A tort selon la Cour de cassation, qui rappelle que les indemnités versées au titre de l’indemnité légale de licenciement dans le cadre du CSP résultaient de la Loi et que les juges du fond étaient libres de retenir le salaire de référence de leur choix.

On l’oublie trop souvent, au bas des longs tableaux du barème « Macron », l’article L.1235-3 comporte un petit alinéa offrant un pouvoir modérateur aux juges dans le cadre de ce barème :

« Pour déterminer le montant de l'indemnité, le juge peut tenir compte, le cas échéant, des indemnités de licenciement versées à l'occasion de la rupture, à l'exception de l'indemnité de licenciement mentionnée à l'article L. 1234-9. »

Si l’on ne peut donc demander à défalquer l’indemnité légale du barème, il en va autrement des indemnités supra-légales telles que :

  • La part de l’indemnité de licenciement résultant de l’application de la convention collective de branche

  • La part de l’indemnité de licenciement résultant de l’application d’un accord d’entreprise

  • La part de l’indemnité de licenciement résultant de l’application d’un PSE (qui peut être négocié dans un accord d’entreprise)

  • La part de l’indemnité de licenciement résultant d’une transaction signée et remise en cause

  • La part de l’indemnité de licenciement résultant d’une stipulation contractuelle spécifique type « golden parachutes » telle que celle visant à reprendre une ancienneté acquise dans une autre entreprise ou augmentant tout simplement le montant de l’indemnité due.

Ce fameux barème n’a pas fini de faire parler de lui.

 

Cass.soc. 23 octobre 2024, n°23-19.629, Sté Orthograu technologies

 

 

 

Vanessa LEHMANN                                                                                                      Natacha MIGNOT

Avocat - Associée - Droit du Travail                                                                     Avocat – Droit du Travail

Vanessa LEHMANN
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