Départ d’un des co-preneurs d'un bail rural, la notification au propriétaire est-elle toujours obligatoire ?

Dans un article précédent « Le départ en retraite : quelles conséquences sur le bail rural ? », nous évoquions le départ en retraite du co-preneur et rappelions, entre autres, l’obligation de notifier le départ au propriétaire sous peine de résiliation du bail.
Depuis, la jurisprudence a opéré un revirement important : l’information du départ d’un copreneur de l’exploitation au propriétaire bailleur (article L411-35 du Code rural) est désormais une faculté et le défaut d’accomplissement de cette faculté n’entraine plus nécessairement la résiliation du bail (Cass. 3e civ., 30 nov. 2023, n° 21-22.539, n° 775 FS-B).
Une question s’est rapidement posée : quelles sont les sanctions sur le bail si un co-preneur quitte l’exploitation sans avertir au préalable le propriétaire ?
La Cour de cassation a aussitôt précisé la portée de ce revirement en indiquant le bail pourrait toujours être résilié dans un premier temps sur le fondement de l’article L411-35 (cession prohibée), puis enfin sur le fondement de l’article L-411-37 du Code rural (défaut d’exploitation effective en cas de mise à disposition).
En effet, par deux arrêts du 12 octobre 2023, la Cour de cassation avait jugé qu’il y a cession prohibée du bail au profit de la société, lorsque le preneur ou, en cas de cotitularité, tous les copreneurs, après avoir mis le bien loué à la disposition de cette société, ne participent plus aux travaux de façon effective et permanente.
Le bailleur pouvait alors solliciter la résiliation du bail pour cession prohibée au profit de la société (Cass. 3e civ., 12 oct. 2023, n° 21-20.212, n° 665 FS-B ; Cass. 3e civ., 12 oct. 2023, n° 21-22.101, n° 666 FS-B).
La Cour a continué de préciser la sanction qu’elle souhaitait appliquer par une série d’arrêts du 23 janvier 2025 (Cass. 3e civ., 23 janv. 2025, n° 23-18.984, n° 47 F-D, Cass. 3e civ., 23 janv. 2025, n° 23-18.985, n° 48 F-D, Cass. 3e civ., 23 janv. 2025, n° 23-18.986, n° 49 F-D) se référant aux dispositions en cause et à ses arrêts précités des 30 novembre 2023 et 12 octobre 2023, la Cour de cassation précise que dès lors qu’il reste un copreneur associé qui poursuit l’exploitation, la cessation d’activité de l’autre relève d’une contravention à l’article L. 411-37, II, 3°.
Pour rappel les dispositions de l’article L411-37 II 3° du Code rural prévoient que :
« III.-En cas de mise à disposition de biens dans les conditions prévues aux I ou II, le preneur qui reste seul titulaire du bail doit, à peine de résiliation, continuer à se consacrer à l'exploitation de ces biens, en participant sur les lieux aux travaux de façon effective et permanente, selon les usages de la région et en fonction de l'importance de l'exploitation. »
En résumé, dès lors qu’il reste un co-preneur associé qui poursuit l’exploitation, et en cas d’omission d’information préalable au bailleur, la cessation d’activité de l’autre relève d’une contravention à l’article L. 411-37 du Code rural, et le propriétaire doit impérativement démontrer le préjudice causé par le départ du co-preneur.
Même si la résiliation du bail sera plus difficile à obtenir, il est toujours recommandé d’avertir son propriétaire en cas de départ d’un copreneur, tout en respectant le formalisme prévu par les dispositions du Code rural.
Si vous envisagez un départ de l’exploitation (retraite ou reconversion), il est important de consulter un avocat au préalable.
Perrine FOURTINES ROCHET, avocat en droit rural
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Article du journal "La Marne Agricole" du 13/03/15 - cliquez sur l'article ci-dessous pour l'agrandir.