La garantie de l’AGS étendue à la prise d’acte et à la résiliation judiciaire

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Dans deux arrêts rendus le 8 janvier 2025, la Cour de cassation a opéré un important revirement de jurisprudence, en élargissant le champ d’application de l’assurance garantie des salaires (AGS).

La garantie des salaires, prévue par la loi, vise à protéger le salarié en prévoyant, sous certaines conditions, le paiement des créances résultant de son contrat de travail lorsque l’employeur est soumis à une procédure collective (sauvegarde, redressement ou liquidation judiciaire).

Jusqu’à présent, faisant une lecture restrictive de l’article L. 3253-8 2° du code du travail, la Cour de cassation considérait que l’AGS ne couvrait que les ruptures du contrat de travail prononcées par l’administrateur ou le liquidateur, et excluait dès lors les situations de rupture du contrat de travail à l’initiative du salarié.

Le salarié qui prenait acte de la rupture de son contrat de travail, ou qui engageait une action en résiliation judiciaire de son contrat du fait des manquements graves de son employeur, devait se montrer particulièrement prudent car si son employeur avait été placé en redressement ou liquidation judiciaire, il ne pouvait pas être garanti des sommes qui lui étaient dues.

Cette situation s’avérait injuste et était source d’inégalité entre les salariés, selon qu’ils avaient pris l’initiative de la rupture du contrat de travail ou avaient fait l’objet d’un licenciement.

Dans une décision rendue le  22 février 2024, la Cour de justice de l’Union européenne a énoncé que la directive du 22 octobre 2008 relative à la protection des travailleurs salariés en cas d’insolvabilité de l’employeur s’oppose à ce qu’une réglementation nationale exclut de la couverture des créances par un organisme de garantie les travailleurs qui prennent l’initiative de la rupture du contrat de travail en raison de manquements graves de l’employeur empêchant la poursuite du contrat, ces derniers se trouvant dans une situation comparable à celle dans laquelle se trouvaient les travailleurs ayant fait l’objet d’un licenciement à l’initiative de l’administrateur judiciaire, du mandateur liquidateur ou de l’employeur.

Dans le prolongement de cette décision, la haute juridiction a donc modifié sa jurisprudence en reconnaissant que l’AGS couvre désormais les créances issues de la prise d’acte du salarié (Cass. soc., 08-01-2025, n°20-18.484) et de la résiliation judiciaire prononcée par le juge prud’homal (Cass. soc., 08-01-2025, n°23-11.417), dès lors que les conditions suivantes sont réunies :

-    La rupture du contrat de travail doit être justifiée par des « manquements suffisamment graves de l’employeur empêchant la poursuite du contrat de travail »

-     La rupture doit intervenir « pendant l’une des périodes visées à l’article L.3253-8, 2° du code du travail », c’est-à-dire soit pendant la période d’observation, soit dans le mois qui suit le plan de sauvegarde, de redressement ou de cession, soit dans les 15 jours suivant le jugement de liquidation ou 21 jours si un plan de sauvegarde de l’emploi est élaboré, soit pendant le maintien provisoire de l’activité autorisé par jugement de liquidation judiciaire et dans les 15 jours suivant la fin de ce maintien d’activité ou 21 jours si un plan de sauvegarde de l’emploi est élaboré.

Cette évolution jurisprudentielle attendue vient ainsi renforcer la protection des salariés confrontés à des manquements graves de la part de leur employeur et garantit une égalité de traitement entre les salariés, quelle que soit l’origine de la rupture du contrat.

Olivier BARNEFF, avocat en droit du travail


 

Olivier BARNEFF
Avocat associé

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