Avertir par téléphone un salarié de son licenciement peut s’avérer dangereux

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Il est régulièrement jugé qu’un licenciement verbal doit être considéré sans cause réelle et sérieuse, ce dernier ne répondant pas aux exigences de motivation prévues par la loi. Aux termes de l’article L.1232-6 du code du travail, il appartient à l’employeur d’adresser au salarié une lettre de licenciement, comportant l’énoncé du ou des motifs invoqués à l’appui de sa décision.

Dans l’arrêt du 3 avril 2024, la chambre sociale de la Cour de cassation a eu à se prononcer sur la régularité d’un licenciement prononcé à l’encontre d’un salarié, averti téléphoniquement de son licenciement avant d’être destinataire de la lettre de licenciement adressé par son employeur. 

En l’espèce, un salarié, en poste depuis plusieurs années, a été contacté téléphoniquement le 7 février 2019 par la directrice des ressources humaines de son entreprise qui l’a informé de son licenciement. Il a reçu par la suite une lettre de licenciement pour faute grave, postée le même jour, soit le 7 février 2019. 

Estimant avoir fait l’objet d’un licenciement verbal, il a saisi la juridiction prud’homale afin de contester la régularité de la rupture de son contrat de travail. La cour d’appel de Reims, dans un arrêt rendu le 23 novembre 2022, a fait droit aux demandes du salarié. 

L’employeur a formé un pourvoi en cassation, en faisant valoir que sa décision de mettre fin au contrat de travail datait du 7 février 2019, date d’émission de la lettre de licenciement. Il a précisé qu’il lui était apparu convenable de prévenir le salarié par téléphone le jour même de l’envoi de la lettre, afin de lui éviter de se présenter à une réunion et de se voir congédier devant ses collègues de travail. Il a ajouté que le salarié ne rapportait pas la preuve que l’appel téléphonique qu’il avait reçu avait précédé l’envoi de la lettre de licenciement. 

Prévenir téléphoniquement un salarié de son licenciement, en parallèle de l’envoi de la lettre de licenciement dûment motivée, est-elle de nature à entacher la procédure de licenciement ? 

Dans la présente affaire, la Cour de cassation, reprenant à son compte la motivation des juges d’appel, a relevé que le salarié rapportait la preuve qu’il avait été informé verbalement de son licenciement et que cet appel téléphonique ne pouvait suppléer la lettre de licenciement adressée ultérieurement, même si elle avait été adressée le même jour, sous la signature de l’auteur de l’appel téléphonique. 

Elle en a conclu que ce licenciement était verbal et donc dépourvu de cause réelle et sérieuse, et ce, peu importe que l’employeur ait voulu épargner le salarié de l’annonce publique de son licenciement. 

Il est à noter que la solution aurait certainement été différente si l’employeur avait pu démontrer que la lettre de licenciement avait été postée avant que le salarié ne soit prévenu téléphoniquement. Il est en effet constant que la rupture du contrat de travail se situe à la date où l’employeur a décidé d’y mettre fin, c’est-à-dire le jour de l’envoi de la lettre de licenciement avec accusé de réception. 

 Il est ainsi recommandé à l’employeur, qui souhaite informer verbalement son salarié de son licenciement, de s’assurer qu’il peut rapporter la preuve que la lettre de licenciement a été envoyée avant cette conversation téléphonique, sous peine d’encourir une procédure abusive de licenciement. 

 

Maître Olivier Barneff, avocat en droit du travail. 

 

 

 

Olivier BARNEFF
Avocat associé

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