Panorama d’actualité 2024 en droit du travail : la recherche de reclassement préalable au licenciement économique (7)

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Même si le salarié a refusé un poste dans le cadre d’une proposition de modification de contrat de travail pour motif économique, ce même poste doit lui être à nouveau proposé, s’il est toujours disponible, à titre de solution de reclassement afin d’éviter son licenciement.

La Cour de cassation vient également de rendre un autre arrêt éclairant sur l’obligation de rechercher un reclassement interne au salarié menacé d’un licenciement économique.

  • En application d’un PSE validé par l’administration, la société Johnson & Johnson Santé Beauté France propose une modification de leur contrat de travail pour motif économique à plusieurs salariés consistant à leur proposer leur mutation géographique sur un autre site

  • Les salariés refusent leur mutation

  • La société leur propose d'autres postes disponibles par emails accompagnés des fiches de poste

  • Les salariés refusent ces offres de reclassement et se voient licenciés pour motif économique dans le cadre du PSE

  • La proposition d’une modification de contrat de travail pour motif économique refusée par le salarié ne dispense pas l’employeur de son obligation de reclassement et, par suite, de lui proposer éventuellement le même poste dans l’exécution de cette obligation.

Il est vrai que, techniquement, comme le soutenaient ces salariés à l’appui de leurs pourvois, l’obligation de reclassement ne naît qu’au moment où l’employeur envisage le licenciement du salarié et que la proposition de modification du contrat de travail pour motif économique ne constitue pas une offre de reclassement, puisque, par hypothèse, elle intervient en amont de la procédure de licenciement.

Par conséquent, si le poste proposé en amont est toujours disponible en aval, l’employeur doit le proposer à nouveau.

On peut regreter un tel formalisme qui peut même apparaître humiliant pour les salariés concernés. Cependant, la logique en est imparable car les enjeux des propositions faites au salarié ne sont pas les mêmes en amont et en aval :

  • En amont, lorsqu’il considère la proposition de modification de son contrat de travail, le salarié sait qu’en cas de refus, une procédure de licenciement sera enclenchée et donc qu’en même temps, et donc à une date postérieure à celle où il se situe à la réception de la proposition de modification de contrat (assortie d’un délai légal d’un mois), l’employeur devra procéder à une recherche de reclassement élargie au sein du groupe, de sorte que d’autres postes pourront peut alors peut-être lui être proposés

  • En aval, lorsqu’il considère la proposition de reclassement, même s’il s’agit du même poste qu’on lui a proposé un ou deux mois plus tôt, le salarié sait désormais que l’employeur a procédé à une recherche exhaustive de reclassements et donc qu’il n’y a plus d’autre alternative et qu’en cas de refus, cette fois, il sera licencié.

En quelque sorte, ce salarié, en se voyant proposer deux fois le même poste, à des moments distincts, bénéfice d’une sorte de droit de revenir sur son option, après avoir obligé son employeur à lui rechercher d’autres emplois alternatifs dans le groupe.

 

Cass.soc. 10 juillet 2024, n°22-18.481, Johnson & Johnson Santé Beauté France

 

Vanessa LEHMANN                                                                                                      Natacha MIGNOT

Avocat - Associée - Droit du Travail                                                                     Avocat – Droit du Travail

Vanessa LEHMANN
Avocat associé
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Natacha MIGNOT
Avocat

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